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Protéger l’indépendance du procureur général

Si elle est adoptée, une résolution qui sera discutée lors de l’Assemblée générale annuelle de l’ABC en février exhorterait le gouvernement fédéral à renforcer l’indépendance constitutionnelle du procureur général.

Lady justice
iStock

Un fait divers politique canadien très controversé en 2019 est à l’origine de l’une des résolutions de l’ABC qui seront proposées au vote lors de son Assemblée générale en 2020.

La double fonction de ministre de la Justice et de procureur général du Canada est devenue l’un des thèmes soulevés par le scandale SNC-Lavalin qui ont poursuivi le gouvernement libéral pendant la plus grande partie de l’année dernière. Après la mutation de l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale, Jody Wilson-Raybould, dans un poste différent au sein du Cabinet au début 2019, elle a indiqué qu’elle s’était sentie obligée, en raison des pressions exercées par le cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé, de signer un accord de poursuite suspendue avec la société d’ingénierie SNC-Lavalin. Le commissaire à l’éthique, Mario Dion, a ensuite conclu que le premier ministre Justin Trudeau avait exercé des pressions inappropriées sur Me Wilson-Raybould.

Pendant le scandale, le gouvernement a nommé l’ancienne ministre Anne McLellan pour qu’elle examine la question de savoir si un ministre unique devrait continuer à exercer les deux fonctions, comme c’est la tradition au Canada. Madame McLellan a recommandé de ne pas scinder les deux fonctions. Cependant, elle a recommandé que le procureur général soit « tout d’abord » le premier conseiller juridique de l'État; fonction qui doit prévaloir sur celle de ministre de la Justice.

La résolution qui sera discutée par les membres de l’ABC a pour but d’appuyer les recommandations de madame McLellan, en mettant l’accent sur la modification de la Loi sur le ministère de la Justice. Elle exhorte le gouvernement fédéral à la modifier pour faire un renvoi explicite à l’indépendance constitutionnelle du procureur général lors des poursuites. La résolution affirme en outre que tout conseil prodigué par le procureur général doit être dénué de toute nuance politique.

Ian Carter, associé dans le cabinet Bayne Sellar Ertel Carter et ancien président de la Section du droit pénal de l’ABC, propose la résolution. Alors que madame McLellan a trouvé des avantages de politique au maintien des fonctions dans la même main, Me Carter dit qu’elle a conclu qu’un certain nombre de mesures pourraient être prises pour apaiser les inquiétudes, fondamentalement celles liées à l’ingérence politique dans les affaires judiciaires, principalement celles qui relèvent du droit pénal.

Adam Dodek, doyen de la Section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, a prôné l’importance de scinder les deux fonctions. Il dit que le scandale SNC-Lavalin illustre la nécessité de protéger l’indépendance constitutionnelle du procureur général et que l’ABC a un rôle à jouer dans sa promotion.

« En tant que porte-parole de la profession juridique au Canada, il importe que l’ABC continue à veiller à ce que le gouvernement mette en œuvre ses engagements à accroître la sensibilisation, la formation, et l’éducation concernant l’indépendance du rôle du procureur général du Canada », dit Me Dodek.

Selon Ian Carter, la résolution a également pour objet de souligner l’importance de la primauté du droit dans le contexte des pouvoirs d’intenter des poursuites à une époque où ce principe est menacé de par le monde.

« Il importe de rassurer la population du Canada sur le fait que nous fonctionnons dans un système fondé sur la primauté du droit, et que les décisions d’engager des poursuites ne s’appuient pas sur des raisons politiques », dit-il.

Me Carter dit que tant les avocats de la poursuite que ceux de la défense devraient appuyer la résolution, car l’existence de décisions libres de toute ingérence gouvernementale en matière de poursuites est l’une des pierres angulaires du régime juridique canadien.

« D’après mon expérience, la Couronne prend très au sérieux son rôle en tant qu’acteur indépendant. De toute évidence, elle souhaite soustraire ce rôle à toute possibilité d’empiètement », dit-il.

Alors que la résolution de l’ABC par elle-même ne reflète pas exactement la position de Me Dodek, il est d’avis que c’est un des nombreux pas qui sont nécessaires.

« Je pense que l’un des enseignements que nous avons tirés du scandale SNC-Lavalin, c’est qu’un grand nombre d’entre nous tenions pour acquis l’existence de l’indépendance constitutionnelle du procureur général », dit-il. « L’ABC en particulier, doit être vigilante et rappeler l’importance de l’indépendance constitutionnelle du procureur général aux gouvernements de tout poil, à la fonction publique, aux personnes nommées pour des raisons politiques et aux membres de notre profession. »

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