Passer au contenu

Violence familiale : une meilleure protection pour les enfants

Avec la réforme du divorce, les tribunaux et les juristes auront de meilleurs outils pour gérer la question de la violence familiale.

Ombre représentant des parents et un enfant

Tous ceux qui ont œuvré dans le domaine du droit de la famille comprennent à quel point il peut être difficile de régler un problème lorsqu’il y a un historique de violence familiale. Ne pas connaître la nature de cette violence peut rendre les choses encore plus difficiles. C’est pourquoi nous devrions accueillir les changements proposés à la Loi sur le divorce dans le projet de loi C-78 – en particulier les nouvelles dispositions qui reconnaissent la violence familiale comme un facteur dans la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Dans les faits, les changements proposés ne changent presque rien au droit. Ils codifient tout au plus les pratiques actuelles des tribunaux. Mais les efforts du gouvernement dépassent les simples changements cosmétiques. Il y a un réel effort pour donner aux cours et aux juristes les outils pour gérer la question de la violence familiale.

Tout d’abord, avec autant de justiciables incapables de se payer les services d’un avocat, on ne peut laisser la Loi sur le divorce silencieuse sur l’impact de la violence dans la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant. Clarifier cette notion dans la loi est le moindre que l’on puisse faire pour aider à mieux comprendre l’état du droit.

À cet égard, il est utile que les changements proposés définissent la violence familiale de manière large, ce qui reflète la position véhiculée par la communauté des services sociaux pour attirer l’attention sur des comportements qui dépassent l’abus physique. La définition inclut tout comportement violent, menaçant ou un ensemble de comportements contrôlants, ou qui font craindre les membres de la famille pour leur sécurité. On prend soin d’inclure l’exposition directe ou indirecte des enfants à ce type de comportement et on propose une liste non exhaustive d’exemples de comportements violents – physique, psychologique, financier ou encore de la violence envers les animaux.

Les cours devraient considérer la violence familiale et ses impacts sur la capacité et la volonté du membre violent de la famille pour prendre soin de l’enfant et répondre à ses besoins. Elles devraient aussi examiner si les parties sont capables de coopérer sur des questions affectant l’enfant lorsqu’il y a un historique de violence familiale et des habitudes de comportement coercitif et contrôlant. La définition proposée n’inclut pas seulement la violence qui survient en présence de l’enfant, mais aussi le genre de violence qui est potentiellement pertinente pour le développement de l’enfant.

Le deuxième développement important est l’effort du gouvernement fédéral afin de promouvoir le partage d'informations sur la violence familiale entre les cours familiales et les autres cours susceptibles d'avoir engagé des procédures connexes. Ces cours incluent les cours pénales et les cours de la protection de l'enfance ou de la protection civile, qui rendent souvent des ordonnances incompatibles les unes par rapport aux autres. Les autorités provinciales devront être impliquées, mais des mécanismes ont été mis en place pour leur prêtre main-forte.

L'une des modifications qui sont proposées à la Loi sur le divorce obligerait le tribunal à examiner toute autre procédure pertinente lors de la délivrance d'ordonnances parentales et de mesures de soutien, et à utiliser pour ce faire les ressources à sa disposition.

Tout aussi prometteur, le gouvernement fédéral redouble d’efforts pour accroître la disponibilité des tribunaux unifiés de la famille dans tout le pays. Fonctionnant correctement, un tel système aiderait les justiciables qui se sentent souvent victimisés chaque fois qu'un tribunal leur demande de raconter de nouveau leur histoire lorsqu’ils abordent une portion différente du conflit familial.

Les tribunaux unifiés de la famille prennent diverses formes selon le lieu où ils sont établis, mais le principe commun est l’élimination des redondances entre les cours provinciales et les cours supérieures. Une cour unique à la juridiction complète est alors responsable de répondre aux besoins des familles. Idéalement, une telle cour coordonnerait tous les aspects relatifs aux contacts d’une famille avec le système de justice par rapport au dossier de divorce. Vu la nature provinciale de ces tribunaux unifiés, leur mise en œuvre a été lente, en particulier dans les provinces où ils n’ont pas encore vu le jour.

Finalement, le gouvernement travaille sur un nouvel outil de dépistage qui devrait être disponible pour les avocats dès l’an prochain pour les aider à identifier les victimes possibles de violence. Les juristes sont souvent exposés à des attitudes ou comportements qui peuvent paraître bizarres et illogiques, mais qui sont néanmoins fréquents chez les victimes de relations abusives. Le problème est que les gens ne révèlent pas toujours qu’il existe des antécédents de violence dans leur famille. Manquant de formation, les avocats peuvent parfois rompre la relation avec leurs clients, les qualifiant de « difficiles », alors qu’il existe en réalité une raison à leur imprévisibilité, leur autosabotage ou leur refus de suivre des conseils. Ces clients doivent être orientés vers les services de soutien appropriés. Mais en ne reconnaissant pas ces besoins, les avocats peuvent parfois aggraver la situation.

Justice Canada a reconnu cet écart et collabore avec des organismes de lutte contre la violence familiale partout au Canada pour mettre à l'essai un outil de dépistage préliminaire. 

En terminant, ces modifications proposées à la Loi sur le divorce, le projet des tribunaux unifiés et de meilleurs outils de dépistage amélioreront la capacité des tribunaux et des avocats à identifier et à traiter de manière plus appropriée la violence dans le contexte du droit de la famille. Il y a lieu d’être optimiste, mais une mise en garde s’impose. Dans l’élaboration de ses politiques, le gouvernement s’est appuyé sur des données de sciences sociales recueillies depuis de nombreuses années. Toutefois, comme l’illustre la récente fermeture de l’Institut canadien de recherche sur le droit et la famille, nous constatons une diminution inquiétante des fonds alloués à la recherche dans ce domaine. Qui plus est, de nombreux professeurs de droit de la famille prennent leur retraite partout au pays sans que personne ne les remplace. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir affirmer que notre système de justice familiale fonctionne comme il le devrait. Et nous ne pourrons y arriver sans une base de financement stable pour les institutions de recherche en droit de la famille.