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L’avocat c. le cabinet

Les clients engagent des avocats, pas des cabinets » est la première leçon du manuel de prospection de clientèle.

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Le droit est un domaine axé sur la prestation de services personnels où les relations ont toujours été particulièrement importantes : les clients se fient non seulement à l’expertise de leur avocat, mais aussi à son jugement et à ses conseils. Le client est loin d’avoir la même relation avec le cabinet, qui n’est souvent pour lui qu’un nom sur du papier à lettres ou une facture. Pratiquement, la plupart des clients d’un cabinet ne font qu’affaire avec un avocat, ou avec un petit groupe d’avocats et d’employés de soutien.

Reconnaissant cette dynamique, les avocats ont su s’octroyer une impressionnante autonomie au sein de leur cabinet. Demandez à l’associé moyen de voter sur une proposition qui diminuera ses revenus à court terme afin d’augmenter les profits du cabinet à long terme. Il y a de fortes chances qu’il vote contre. La marque de l’avocat individuel supplante systématiquement l’enseigne du cabinet qui l’emploie.

Les clients engagent des avocats, pas des cabinets » est la première leçon du manuel de prospection de clientèle.

Cette guerre entre avocats et cabinets pour le contrôle de l’entreprise dure depuis des lustres. Les cabinets ont perdu tellement de batailles qu’ils ont cessé de les compter. Dans certains cas, ils ne résistent même plus. Comment un cabinet, qui n’est rien de plus que la somme de ses avocats – essentiellement des travailleurs autonomes – peut-il résister à la force redoutable que génère leur intérêt personnel?

C’est pourquoi l’inévitable déclin du nombre d’avocats employés par les cabinets est un volet si important de leur stratégie.

Dans les années à venir, une partie de plus en plus importante du revenu des cabinets proviendra d’autres sources que ses avocats, notamment des systèmes automatisés et des services auxiliaires. De plus en plus de clients seront recrutés grâce à des campagnes promotionnelles axées sur le cabinet plutôt qu’au travail de proximité individuel des avocats. Chaque fois qu’un cabinet fait un investissement rentable dans une source de productivité autre qu’un avocat (et a fortiori si la source est autre qu’un associé avec participation), il lui reprend du terrain.

C’est pourquoi (outres les motifs habituels comme la pensée à court terme, l’aversion au risque et l’avarice) plusieurs avocats refusent obstinément tout investissement qui permettrait à leur cabinet d’offrir des services dont ils ne seraient pas directement responsables – et qu’ils ne contrôleraient donc pas. Chaque nouvelle initiative d’un cabinet, notamment l’amélioration des processus, le contrôle de la tarification et la gestion de projets, crée des raisons de recourir à ses services tout en diminuant l’importance de l’avocat (si c’est bien un avocat) qui les fournit.

Les clients ont l’habitude d’engager des avocats plutôt que des cabinets pour plusieurs raisons, la première étant qu’outre l’accès aux avocats qu’ils emploient, les cabinets n’ont jamais eu grand-chose à offrir. Aujourd’hui, après des années d’impuissance, les cabinets peuvent finalement se positionner sur le marché comme de véritables institutions.

En somme, les cabinets vont devenir des entreprises commerciales au même titre que des prestataires de services professionnels.

Enfin, les cabinets ne seront plus ralentis par leurs avocats, ni incapables de susciter l’élan et l’enthousiasme nécessaires à la prise de décisions stratégiques importantes. Ils seront désormais plus simples, mieux organisés et mieux gérés, davantage automatisés et plus centralisés, non seulement pour demeurer concurrentiels dans un marché exigeant, mais aussi pour trancher une bonne fois pour toutes la question de savoir qui est aux commandes.

En somme, les cabinets vont devenir des entreprises commerciales au même titre que des prestataires de services professionnels. Ils trouveront des façons de séparer la propriété de la gestion et la gestion du travail, instaureront des processus d’affaires et exploiteront les ressources technologiques. Ils auront bien sûr toujours besoin d’avocats talentueux pour fournir d’excellents services, mais ne les laisseront plus décider seuls de la stratégie et de l’orientation de l’entreprise.

Les cabinets qui sauront s’inscrire dans cette tendance pourront transformer ce qu’ils sont, ce qu’ils font et la manière dont ils le font et, par la même occasion, remodeler tout le milieu juridique.