Tentative de réduction des arriérés en immigration
Un nouveau projet pilote de la Cour fédérale vise à réduire le nombre de demandes de contrôle judiciaire liées aux permis d’études
La Cour fédérale a récemment lancé un projet pilote visant à réduire l’augmentation des arriérés pour les demandes de contrôle judiciaire relatives aux permis d’études.
L’objectif est de réduire le temps dont ont besoin les étudiants et étudiantes pour présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire pour obtenir leur permis d’études. Normalement, une révision judiciaire prend de 14 à 18 mois. L’espoir est que le projet pilote réduise ce délai à cinq mois. Les demandeurs pourront demander une autorisation et un contrôle judiciaire en même temps au moyen d’un formulaire abrégé. Les juges rendront ensuite leur décision en fonction d’observations écrites, éliminant le temps et le coût d’une audience.
Ce changement arrive à un moment où le nombre de demandeurs sollicitant une révision par la Cour connaît une hausse fulgurante.
En 2016, moins de 6 000 demandes d’immigration ont été présentées. En 2021, ce nombre est passé à 9 762. La pandémie a exacerbé le problème croissant, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) n’ayant pas été en mesure de traiter les demandes à un rythme normal.
En 2023, le nombre de demandes d’immigration déposées auprès de la Cour fédérale a augmenté à 16 726. Pour l’année en cours, plus de 24 000 demandes sont attendues.
Adrienne Smith, avocate et fondatrice de Smith Immigration Law, dit qu’elle n’a jamais rien vu de tel en dix ans de pratique.
Le nombre de refus, en particulier pour les visas temporaires, est stupéfiant, dit-elle. Vous ne pouvez produire les meilleurs résultats lorsqu’il n’y a pas de restriction aux réceptions de demandes de visas et que vous êtes confrontés à la pression de prendre rapidement des décisions. La Cour fédérale ne peut pas plafonner le nombre de cas dont elle doit traiter. Il est louable qu’elle mette en œuvre un projet comme celui-ci et qu’elle essaie d’être sensible aux arriérés. »
L’initiative est dirigée par le Comité de liaison entre la magistrature et le Barreau en droit de la citoyenneté, de l’immigration et des réfugiés de la Cour fédérale, qui regroupe des représentants du ministère de la Justice, de la cour et des principaux groupes de conseillers juridiques qui pratiquent dans ce domaine du droit. Le comité travaille depuis deux ans à trouver le moyen d’alléger la demande croissante avec laquelle doit composer la cour.
Warda Shazadi Meighen, avocate en immigration chez Landings LLP et membre du comité, est d’avis que le projet pilote est conçu pour les cas où le temps de réponse est important.
« Les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire pour les permis d’études sont un excellent point de départ parce que le temps et les coûts sont importants pour les demandeurs, dit Me Shazadi Meighen. Pour les étudiants, un long retard peut entraîner la perte de leur place dans leur programme. Ce projet pilote peut permettre aux étudiants de continuer d’avancer dans leur vie. »
Pour que les demandeurs utilisent le projet pilote, IRCC doit accepter de participer au processus et les deux parties doivent s’entendre sur les paramètres. Les cas complexes qui mettent en cause des questions de sécurité nationale où le demandeur apporte de nouveaux éléments de preuve ne peuvent pas être traités par le biais du projet pilote.
Au cours du processus habituel d’autorisation d’appel, les demandeurs doivent déposer plusieurs documents et attendre la réponse du ministère de la Justice avant d’aller de l’avant, un processus qui prend actuellement des mois. Le projet pilote remplace ce processus par un formulaire de quatre pages et une série de questions auxquelles il faut répondre dans un nombre limité de mots. L’objectif est de réduire les coûts pour les demandeurs en limitant l’ampleur et le temps de traitement de la demande.
La réduction des délais d’attente pourrait aussi réduire les demandes de mandamus, un recours couramment utilisé par les demandeurs lorsque leurs dossiers font l’objet d’un retard qui va au-delà du délai normal de traitement. Les retards sont devenus la norme, avec plus d’un million de demandes d’immigration accumulées dans les arriérés, dont plus de la moitié concernent des visas temporaires, y compris des permis d’études.
Zeynab Ziaie Moayyed, avocate en immigration chez MyVisa.Law, s’efforce d’aider des demandeurs à trouver des moyens de contester les retards et la façon dont les décisions sont rendues. Elle explique qu’IRCC utilise Chinook, un logiciel conçu pour faciliter l’examen de dossiers. Cependant, les demandeurs reçoivent peu d’information sur la façon dont le logiciel est utilisé pour prendre des décisions, et ce manque de clarté mène à des demandes de contrôle judiciaire.
« Le défi est qu’il n’y a pas de mécanisme d’examen pour les décisions prises avec l’aide de cette technologie, dit Me Moayyed. Ainsi, de plus en plus de demandeurs se tournent vers la Cour fédérale pour que leurs demandes soient examinées par une personne. »
Ensuite, il y a la question de connaître les options sur la table. Lorsque les demandes sont rejetées, les demandeurs reçoivent une lettre leur indiquant qu’ils peuvent présenter une nouvelle demande, mais elle ne contient aucune information sur le processus de contrôle judiciaire ou sur le nouveau projet pilote de la Cour fédérale. La responsabilité d’informer le public repose alors sur le dos des juristes.
Dans sa pratique, Me Shazadi Meighen tente de contourner le processus de demande de contrôle judiciaire en travaillant avec des juristes du ministère de la Justice pour régler les affaires de sa clientèle. Toutefois, cette option n’est pas offerte à tous les demandeurs et la Cour fédérale n’a pas de processus de médiation officiel. Elle croit que le projet pilote pourrait offrir un moyen plus aisé pour les demandeurs de résoudre leur cas.
« Il n’y a pas de processus officiel et les juristes du ministère de la Justice n’ont pas l’obligation de travailler avec les demandeurs et de trouver des règlements à l’amiable, rappelle Me Shazadi Meighen. L’espoir est que le processus transparent et simplifié mène les demandeurs à s’inscrire, et à économiser du temps et des coûts. »
L’accès à la justice est l’une des raisons pour lesquelles elle a décidé d’intégrer le projet. Bien qu’il ne puisse pas résoudre les problèmes sous-jacents des arriérés en immigration, il contribue à la diminution de certaines pressions auxquelles sont confrontés les étudiants et étudiantes qui ont du mal à venir au Canada.
« Après tout, l’objectif est d’obtenir les décisions relatives aux permis d’études le plus efficacement possible. »