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Examens de sécurité nationale en période de pandémie

Les opérations avec les entités étrangères pourraient être examinées avec une plus grande minutie.

Canadian flag in front of office building

Les investissements directs étrangers feront partie intégrante de la reprise économique du Canada après la pandémie de la COVID-19. Cependant, un examen plus minutieux en vertu de la Loi sur Investissement Canada signifie que les ententes pourraient faire l’objet d’un examen plus approfondi en matière de sécurité nationale et prendre plus longtemps dans le milieu des affaires virtuel qui prévaut de nos jours.

C’est une « époque intéressante et difficile » pour les juristes spécialisés en droit de la concurrence et des investissements étrangers qui doivent conseiller leurs clients depuis que le gouvernement a publié un avis selon lequel les opérations auxquelles sont parties des investisseurs étrangers seraient assujetties à un examen plus approfondi pendant la pandémie.

Dans son énoncé de politique publié en avril, le gouvernement fédéral indiquait que la pandémie avait causé un déclin des valeurs, ce qui pourrait conduire à des comportements d’investissement opportunistes et être considéré comme un enjeu de sécurité nationale. Il indique que le gouvernement examinera avec une attention toute particulière, en vertu de Loi sur Investissement Canada, les investissements directs étrangers de toute valeur, avec ou sans contrôle, dans des entreprises canadiennes qui sont liées à la santé publique ou qui participent à l’approvisionnement en biens et en services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement.

« Cet examen approfondi a pour objet de veiller à ce que les sociétés et entreprises canadiennes en difficulté à cause de la pandémie de la COVID-19 ne deviennent pas des cibles pour celles qui n’agissent pas entièrement sur une base commerciale », a déclaré Andrew House, avocat-conseil au sein du cabinet Fasken.

Maître House s’exprimait lors d’une séance du Symposium d’automne sur le droit de la concurrence de l’ABC intitulée Examens des investissements étrangers aux fins de la sécurité nationale : présent et avenir (disponible uniquement en anglais).

Il dit que l’attention accrue s’est traduite par une meilleure gestion des attentes quant aux transactions avec les clients. 

« Une enquête de sécurité nationale ne se boucle pas en quelques heures, et c’est encore plus vrai lorsque les gens travaillent à distance, dit Me House. Les conversations informelles qui font partie du processus n’ont plus lieu, y compris dans le contexte international, car les gens tiennent leurs distances partout dans le monde, cela fait partie de l’allongement des délais dont le gouvernement a besoin. »

« Faire face à un PDG par écran interposé et lui dire que le processus qui durait 200 jours pourrait désormais prendre 260 jours, mène à la désagréable expérience de voir l’air choqué qui crispe soudain le visage de votre interlocuteur. Il faut vraiment prendre le temps d’expliquer aux auteurs des propositions les raisons de cet état de choses. »

Les possibilités de retards liés à des examens exhaustifs pourraient faire courir des risques aux possibles ententes, car les investisseurs s’inquiètent en attendant la décision du gouvernement.

« Nous vivons désormais dans un monde où, avec les examens de sécurité nationale, cela pourrait prendre 270 jours. Certaines parties et certains acheteurs pourraient ne pas apprécier alors qu’ils ne veulent pas se trouver dans cette période intermédiaire avec tous les risques que cela représente pour les employés et les relations publiques. La liste des problèmes qui peuvent surgir est interminable. La succession d’extensions peut saper la certitude quant à la conclusion de l’affaire et au marché lui-même », selon Julie Soloway, associée dans le groupe Concurrence, antitrust et investissement étranger du cabinet Blakes, Cassels & Graydon s.e.n.c.r.l./s.r.l.

 

Pas de nouveaux pouvoirs, juste un regard plus perçant

L’énoncé de politique du gouvernement n’ajoute rien à la loi, dit Katherine Burke, directrice, Direction des opérations de l’examen des investissements, Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Madame Burke souligne que l’énoncé de politique s’applique tant à l’examen de l’avantage net qu’à celui de la sécurité nationale.

« Je reconnais que les investisseurs souhaitent ardemment la certitude, mais je pense qu’il est raisonnable de souligner le fait que rares sont les opérations qui font l’objet d’un long processus d’examen », dit-elle.

En ce qui a trait aux conseils prodigués aux clients dans ces circonstances, Me Soloway considère qu’il est essentiel de mettre en place une stratégie dès le début de l’opération en tenant compte de la possibilité accrue d’un long examen.

« Les conseils qui découlent de cet énoncé de politique publié en avril se caractérisent par deux différences fondamentales. Tout d’abord, il faut envisager plus sérieusement une stratégie prévoyant un examen de sécurité nationale et une stratégie de dépôt au tout début de l’opération. Ensuite, il faut tenir compte de l’éventail des opérations, peut-être plus vaste et plus incertain, qui pourraient faire l’objet d’un examen de sécurité nationale », ajoute-t-elle.

Avant la pandémie, ce n’était que dans les dossiers manifestes comportant des technologies secrètes, des opérations de défense ou des utilisations intelligentes impliquant des investisseurs confidentiels que les questions d’examen de sécurité nationale prenaient le devant de la scène au moment de la planification et de la négociation. Me Soloway dit que désormais, il est beaucoup plus fréquent d’envisager et de discuter des enjeux de sécurité nationale dès le départ.

« Il est plus difficile pour les juristes de savoir exactement à quoi s’attendre, et nous risquons moins de nous appuyer sur notre expérience passée ou collective, car les tendances changent à cet égard », dit Me Soloway.

Elle a cité un scénario dans lequel un investissement a fait l’objet d’une enquête de sécurité nationale alors qu’à peine quelques années auparavant, la même entreprise acquise par un investisseur arborant ce qui semblait être un profil similaire, n’avait pas reçu d’avis d’enquête.

 

Obtenez tous les faits et présentez-les

Madame Burke indique qu’il peut être utile de connaître des renseignements tels que les raisons qui justifient une opération ou les possibles autres activités de l’investisseur au Canada. Il peut aussi s’avérer utile de fournir des détails lorsque le domaine public ne contient que peu de renseignements au sujet des parties, particulièrement si l’entreprise n’est pas cotée en bourse, est relativement nouvelle ou est une société financière privée.

Le processus d’examen de sécurité nationale est parfois décrit comme un processus de « boîte noire ». Cependant, madame Burke encourage les juristes qui représentent des clients dans le cadre d’examens à communiquer.

« Si vous avez une question, n’hésitez pas à nous la poser. Si vous pensez que le silence est assourdissant, appelez-nous et nous pouvons parler d’une opération spécifique dont vous avez envie de parler », dit-elle.

Quant à lui, Me House conseille de bien comprendre à l’avance tous les acteurs d’une opération et ce que le gouvernement pourrait déjà savoir.

« Sachez que le gouvernement pourrait connaître des éléments dont il pense qu’ils vous sont inconnus. Cela vaut la peine d’être honnête à ce sujet. Renseignez-vous, particulièrement auprès du personnel technique d’une organisation pour savoir qui possède une habilitation de sécurité. Sachez si l’entreprise a des clients gouvernementaux non seulement au Canada, mais dans des pays alliés proches ou ailleurs », ajoute-t-il.

« Si vous représentez les investisseurs, soyez attentif au conseil d’administration et aux cadres de direction. Pour toute personne qui tombe dans une catégorie plus rare, sachez si elle a des liens familiaux ou commerciaux qui pourraient suggérer une possible influence étatique que le gouvernement connaît déjà peut-être ou qu’il pourrait découvrir. »