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La subvention salariale d’urgence : lisez bien les petits caractères

Les cabinets d’avocats et les entreprises qui demandent la nouvelle subvention salariale devront s’assurer que leur comptabilité est cohérente.

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Les cabinets juridiques feront partie des entreprises admissibles à profiter de la Subvention salariale d’urgence du Canada d’un montant de 71 milliards de dollars promise par le gouvernement fédéral pour aider les employeurs. Le programme a pour objet d’aider les entreprises à maintenir leurs employés en poste pendant la pandémie de COVID-19. Un grand nombre de détails sont encore en cours d’élaboration et les fonds ne seront pas débloqués avant six semaines, mais les entreprises qui ne reçoivent aucun financement public peuvent présenter une demande, quelle que soit leur taille, qu’il s’agisse de sociétés privées sous contrôle canadien, de particuliers (à l’exception des fiducies), de sociétés de personnes, d’organisations sans but lucratif ou d’organismes de bienfaisance enregistrés.

Cependant, les membres du Comité mixte sur la fiscalité de l’ABC et de CPA Canada conseillent aux entités d’examiner les exigences du programme avec la plus grande prudence.

« Il existe des risques uniques pour les ordres professionnels qui exercent sous la forme de sociétés de personnes, et il reste à voir comment la subvention salariale serait appliquée dans ce contexte », dit Heather Evans, directrice exécutive et pdg de la Fondation canadienne de fiscalité. « Il existe potentiellement des problèmes techniques plus pointus, qu’il faudrait envisager. »

Selon Angelo Nikolakakis, associé dans le cabinet EY Law LLP et président de la Section du droit fiscal de l’ABC, il y a des incertitudes concernant la manière dont les sociétés en commandite ou les structures complexes, comme un groupe de sociétés comportant de multiples entités, seront considérées aux fins de la subvention. Bruce Ball, un vice-président de Comptables professionnels agréés du Canada, fait également remarquer que le critère d’admissibilité est fondé sur le revenu provenant de sources sans lien de dépendance. Cela exclut probablement les transferts d’espèces à l’intérieur d’une société, dit-il.

Le programme de subvention salariale sera en vigueur du 15 mars au 6 juin. Les employeurs admissibles doivent prouver un déclin de leurs revenus bruts d’au moins 30 % en mars, avril ou mai par rapport au revenu de 2019. Ils doivent déposer une nouvelle demande de subvention chaque mois.

Selon M. Ball et Mme Evans, les cabinets doivent effectuer une comparaison cohérente entre les mois pertinents. « Je pense que ce qui les préoccupe le plus, c’est de s’assurer que vous utilisez la même méthode pour cette année que pour l’an dernier », affirme M. Ball.

« Je pense que vous devez faire preuve d’extrême prudence si vous vous écartez de la méthode employée par le passé. Je pense que cela pourrait être considéré sous un très mauvais jour », dit Mme. Evans, qui souligne que le gouvernement a prévenu de l’application de pénalités considérables en cas d’abus. Les employeurs, y compris leurs administrateurs et dirigeants, qui fournissent des informations fausses ou trompeuses, pourraient se voir imposer des amendes et des peines d’emprisonnement.

La subvention proposée couvrirait 75 % des premiers 58 700 $ du revenu généralement gagné par les employés, à concurrence de 847 $ par semaine. Selon le gouvernement, les employeurs doivent attester qu’ils font tout leur possible pour payer le quart restant, bien que la forme de ce paiement soit peu claire.

Le gouvernement fédéral a également différé le paiement des impôts pour alléger, du moins en partie, les flux de trésorerie des cabinets. L’Agence du revenu du Canada autorisera les entreprises à différer le paiement des impôts personnels ou de l’entreprise qui deviennent exigibles à compter du 18 mars 2020, et d’ici septembre 2020. Les entités de plus grande taille dont certains montants sont exigibles jusqu’à la fin février peuvent cependant continuer à faire des paiements. Les entreprises pourront différer leurs versements de TPS/TVH jusqu’en juin.

Les organisations qui ne sont pas admissibles à recevoir la nouvelle subvention salariale, comme les entreprises ou cabinets qui n’avaient pas de revenus au moment pertinent il y a un an, peuvent être admissibles à la subvention salariale annoncée précédemment et s’élevant à 10 % de la rémunération versée entre le 18 mars et le 20 juin à un nombre d’employés allant jusqu’à 18.

Puisqu’il pourrait falloir de six à huit semaines pour payer la subvention, M. Ball dit que le programme qui prévoit 10 % pourrait fournir un allègement initial du flux de trésorerie pour les cabinets en diminuant les versements dus au gouvernement fédéral.

« Nous disons aux gens de s’assurer qu’ils vont continuer à déposer des demandes en vertu de la subvention originale au taux de 10 %, car ils peuvent imputer cela aux déductions à la source et obtenir le bénéfice de la subvention dès maintenant », explique M. Ball. « Elle fait l’objet d’un plafonnement, mais dans la mesure où vous n’atteignez pas le plafond, autant commencer avec cette subvention, car vous pouvez commencer à en tirer des avantages immédiats. »

Les entreprises peuvent avoir accès à la subvention en déposant une demande sur un portail en ligne de l’ARC. Monsieur le ministre Morneau encourage toutes les entreprises à autoriser l’Agence à effectuer un virement direct de fonds pour obtenir leur argent plus rapidement.

Les cabinets doivent également prendre des décisions mûrement réfléchies concernant la facturation étant donné que des questions concernant les pertes et les honoraires non facturés demeurent en suspens. « Certains de ces cabinets vont facturer et n'auront pas droit à la subvention. Ils seront traités plus sévèrement qu’une société qui n’essaie pas de facturer du tout car elle sait que son client n’est pas en mesure de payer », ajoute M. Ball.

Me Nikolakakis suggère que le gouvernement envisage d’interrompre l’application d’une règle mise en œuvre il y a quelques années portant sur les modalités de la comptabilité des travaux en cours par les cabinets de services professionnels. Si les cabinets ne sont pas en mesure de facturer pendant un certain temps, ils seront dans l’incapacité de déduire ces dépenses et « paieront des impôts sur de l’argent qu’en réalité ils ne possèdent pas »

Selon M. Ball, la comptabilité exigée par le programme de subvention pourrait être difficile à réaliser pour les petites entreprises en général. « Elles sont tellement occupées à simplement essayer de traiter avec leurs clients et de résoudre leurs problèmes commerciaux que je m’inquiète que la comptabilité soit probablement le moindre de leurs soucis en ce moment », dit-il.

Il a souligné que de nombreuses petites, et même moyennes, entreprises qui n’ont pas de comptabilité officielle à la fin de chaque mois pourraient avoir des difficultés à déterminer le moment où le revenu a été généré en 2019 pour pouvoir effectuer les comparaisons avec 2020. « Elles ne savaient pas l’an dernier qu’elles pourraient avoir été tenues d’avoir des données mensuelles exactes. » 

Le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes fournira également un financement aux institutions financières admissibles pour qu’elles puissent fournir à concurrence de 40 000 $ aux entreprises dont le livre de paie n’excède pas 1 million de dollars. Un quart de ce prêt (à concurrence de 10 000 $) est admissible à une remise de dette totale. Le gouvernement fédéral encourage en outre les banques et les institutions financières à accorder un crédit aux entreprises de plus grande taille pour les aider à surmonter la crise.