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Créer un cadre réglementaire modernisé

Le cadre actuel freine l’émergence de nouveaux modèles d'affaires dont nous avons besoin pour innover et réduire les coûts des services juridiques.

The Law Society of Ontario
<a href="https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/" title="Attribution-ShareAlike License">Some rights reserved</a> by <a href="https://www.flickr.com/photos/timothyfenn/">Tim Fenn</a>

Alors que le modèle réglementaire continue à faire l’objet de maintes interrogations dans de nombreuses régions du monde, des mesures proactives et pratiques doivent être prises si la profession juridique veut conserver ses privilèges.

« C’est une période fascinante pour les personnes qui travaillent au sein d’organes de réglementation », affirme Rebecca Durcan, animatrice lors d’une discussion de groupe au Forum déontologique de l'ABC et de la FOPJC sur la modernisation de la réglementation de la profession juridique qui a eu lieu en mars 2019 à Toronto. Elle cite les nombreux rapports qui s’intéressent à la nécessité, pour les organes de réglementation, d’innover et de réévaluer la façon dont ils font affaires, ainsi qu’aux préoccupations quant aux conflits d’intérêts. Une relation conflictuelle entre un organe de réglementation et ses professionnels agréés ne mène à rien. Les barreaux aident fréquemment les juristes à obtenir les ressources et outils dont ils ont besoin, aidant par conséquent aussi le public. « C’est bien sûr notre raison d’être à tous », a-t-elle dit.

On semble penser que de nombreuses professions auto-réglementées oublient que c’est un privilège que de créer leurs propres règles, discipliner et régir leurs propres membres, soutient Me Durcan, conseillère du barreau de l’Ontario et associée dans le cabinet Steinecke Maciura LeBlanc à Toronto.

Gillian Hadfield, membre du groupe de discussion, affirme qu’il est absolument indispensable d’apporter des changements. En l’absence d’un milieu de réglementation adéquat, « vous ne pouvez pas avoir ces systèmes dynamiques, adaptables, économiques et de plus en plus rentables ».

Selon elle, le prix élevé des services juridiques et la lente adaptation de la profession face à l’évolution numérique et mondiale sont le fruit de la réglementation juridique, et ce sont les gens ordinaires et les petites entreprises qui en souffrent le plus. Le coût élevé des services juridiques barre l’accès au système juridique à la vaste majorité d’entre eux. Les technologies juridiques sont nécessaires, car « nous avons besoin de solutions plus rapides, moins onéreuses, plus souples et plus intelligentes », a-t-elle ajouté.

De l’avis de Me Hadfield, professeure de droit à l’Université de Toronto et économiste, les règles de déontologie dictent les modèles d’entreprise qui freinent l’innovation et les efforts visant à réduire les coûts des services juridiques. Parmi ces règles figurent celles qui régissent les personnes autorisées à fournir des services juridiques, le genre de formation qu’elles doivent suivre et les modalités du paiement et de la publicité des services juridiques. Il y aussi les restrictions sur l’investissement externe dans des cabinets juridiques, ou qui les empêchent d’investir en technologie. Cependant, il ne s’agit pas juste des questions de déontologie, dit-elle : « la réglementation juridique est de nature économique » qui « présuppose, et incorpore, une forme traditionnelle d’exercice de la profession d’avocat ».

Le Barreau de la Nouvelle-Écosse a minutieusement examiné son propre modèle au cours des dernières années. Envisageant les modalités de la réglementation des avocats et de la profession, « nous souhaitions changer la conversation », a dit Jacqueline Mullenger, directrice, Formation et titres, du barreau. « Nous souhaitions pouvoir mieux nous écouter mutuellement afin de déterminer les besoins de la profession, car pour protéger le public, il faut, entre autres choses, collaborer avec les avocats et découvrir ce dont ils ont besoin pour donner le meilleur d’eux-mêmes du point de vue professionnel. Si vous les aidez à le faire, ils sont mieux placés pour servir leurs clients », a-t-elle dit.

« La protection de l’intérêt du public, c’est ce que nous faisons », a déclaré Me Mullenger. « Nous ne représentons pas les juristes, mais je suis convaincue que nous pouvons néanmoins essayer de les aider à mieux faire ». Le Barreau adopte une approche de la réglementation proactive, fondée sur des principes et proportionnée, a-t-elle ajouté. « Nous préférons veiller au grain plutôt que d’y remédier. »

Malheureusement, la plupart des organes de réglementation sont fondés sur une culture du statu quo faire, soutient Irwin Fefergrad, registrateur de l’Ordre royal des chirurgiens-dentistes de l’Ontario. Ils préfèrent attendre que le gouvernement impose des restrictions et des modèles de gouvernance différents, dit-il. « Puis les organes de réglementation font alors ce qu’ils savent le mieux faire : ils s’y opposent ».

Les professions tendent trop à s’isoler, a déclaré M. Fefergrad. « Nous discutons entre nous et nous nous autofélicitons, affirmant que nous faisons un superbe travail, et confirmant cette affirmation avec ferveur. »

La législation accorde aux professionnels le pouvoir et l’obligation de traiter les plaintes, de statuer sur le comportement des membres et leur compétence ou incompétence, a déclaré Irwin Fefergrad. L’important est de trouver le juste équilibre entre l’intérêt du public et les valeurs fondées sur le caractère équitable et approprié de la réglementation. « Nous réalisons maintenant que nous ne pouvons satisfaire tout le monde », affirme-t-il. « C’est tout bonnement impossible. Aucun de nos budgets ne contient assez de fonds, que nous soyons des entités de grande ou de petite taille, pour faire tout ce que tout le monde souhaite que nous fassions. Je suis convaincu qu’il importe d’adopter une approche fondée sur l’évaluation des risques alors que nous anticipons un modèle de réglementation. »

Le processus de réglementation est lourd, détaillé et n’est souvent pas une bonne solution, a ajouté M. Fefergrad. « Il y aura toujours des conséquences imprévues. Aucune des mesures que nous prenons en tant qu’organes de réglementation n’est sans conséquence. Il y a toujours des effets. C’est le cas de tout ce que nous pouvons dire ou faire… et nous devons ainsi être vifs et agiles pour faire face à ce que nous avons fait pour mettre le changement en œuvre. »