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Quelques raisons expliquant pourquoi le Canada n'a pas de règles Miranda

La Charte ne prévoit pas la présence de l’avocat tout au long de la période de garde pour bon nombre de raisons

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Plusieurs débats se sont fait entendre le week-end dernier à l’effet que Dzhokkhar Tsarnaev devrait ou non bénéficier des droits Miranda. Le site The Dish dresse un palmarès des différentes opinions. Autre détail intéressant , un sondage FiveThirtyEight montre une petite proportion d’Américains favorise qu’il soit informé de ses droits. Au Canada, bien sûr, nos droits sont protégés par la Charte. L’alinéa 10 (b) prévoit que « [c]hacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention ». Toutefois les Canadiens seraient étonnés d’apprendre qu’une décision de 2010 de la Cour suprême a rejeté la notion d’adopter en entier les règles de Miranda des É.-U. qui assurent la « présence d’un avocat durant l’interrogatoire » jugée « indispensable à la protection du privilège du cinquième amendement ». La CSC a effectivement conclu, avec une faible marge, que la Charte ne prévoit pas la présence de l’avocat tout au long de la période de garde pour bon nombre de raisons (MISE À JOUR : remercions @APribetic)

...La portée de l’al. 10b) de la Charte est définie par rapport à son texte, au droit au silence, à la règle des confessions reconnue en common law et à l’intérêt public à ce que les lois soient appliquées effectivement dans le contexte canadien. Adopter des protections procédurales d’autres ressorts de façon fragmentaire risque de compromettre l’équilibre établi par les tribunaux et les organes législatifs canadiens.

Il existe des différences significatives entre le régime canadien et le régime américain. L’arrêt Miranda faisait suite aux tactiques policières abusives alors courantes aux États Unis et il s’applique dans le contexte de nombreuses autres règles moins favorables à l’accusé que leurs équivalents canadiens. Par exemple, il ne s’applique qu’aux personnes « en détention ». À cet égard, la détention s’entend d’une [TRADUCTION] « “arrestation formelle ou entrave formelle à la liberté de mouvement” comparable à celle associée à une arrestation formelle » : California c. Beheler, 463 U.S. 1121 (1983), p. 1125; Yarborough c. Alvarado, 541 U.S. 652 (2004). Au Canada, la définition de détention psychologique déclenchant l’application de l’al. 10b) est plus large : R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 44. En outre, une violation de la règle Miranda n’empêche ni l’utilisation du témoignage du détenu lors du procès pour attaquer la crédibilité de l’accusé à ce moment-là (Harris c. New York, 401 U.S. 222 (1971); Oregon c. Hass, 420 U.S. 714 (1975)) ni la présentation, au procès, de preuve matérielle dérivée (United States c. Patane, 542 U.S. 630 (2004)). Par contre, les règles canadiennes sur l’admissibilité de la preuve obtenue en violation de l’al. 10b) sont beaucoup plus favorables à l’accusé : voir R. c. Calder, 1996 CanLII 232 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 660; R. c. Noël, 2002 CSC 67 (CanLII), 2002 CSC 67, [2002] 3 R.C.S. 433, par. 55; Grant, par. 116 128.