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La reproduction assistée et les règles sur le consentement

Qui contrôle les embryons congelés au Canada?

In vitro fertilization of an egg cell stock

« Le consentement dans le contexte législatif impliquant la technologie reproductive est fondamentalement en contradiction avec le droit des contrats. »

C’est ce que la Cour d’appel de l’Ontario a écrit dans sa récente décision dans S.H. c. D.H., lorsqu’elle a statué que le tribunal de première instance n’aurait pas dû sur le droit des contrats plutôt que le Règlement sur la procréation assistée pour trancher un différend entre d’anciens conjoints sur l’utilisation d’un embryon. Ce règlement prévoit que dans de telles situations, le couple est considéré comme étant le « donneur » et par conséquent, chaque partie peut retirer son consentement.

« Il était temps que les cours rappellent que nous disposons de règlements juridiquement contraignants quant à l'utilisation du sperme, des ovules et des embryons, et qu’elles se penchent sur le droit important de retirer son consentement », a lancé Monique Shebbeare, avocate spécialisée dans le domaine de la fertilité à Vancouver.

Me Shebbeare souligne que si les règles peuvent sembler contre-intuitives, elles maintiennent les membres d’un couple sur un pied d'égalité. Elle convient cependant qu’elles pourraient être simplifiées.

L’avocate ajoute que certaines cliniques, dont la clinique ontarienne impliquée dans le dossier, offrent aux couples des options quant au sort de l’embryon en cas de séparation. Mais cocher une case dans un formulaire n'est sans doute pas suffisant pour que les clients prennent pleinement la mesure de l’ensemble des enjeux impliqués. Ils ne sont souvent pas dans le meilleur état d'esprit pour réfléchir à ces questions, et ils ne reçoivent pas de conseils juridiques indépendants.

Beverley Johnston, fondatrice de Johnston Family Law à Ottawa, affirme que les avocats voient de plus en plus de dossiers dans le domaine de la fertilité, tandis que les modèles familiaux évoluent au sein de la communauté.

En tant que société, dit-elle, nous comprenons que « ces droits relatifs à la reproduction sont très délicats, en particulier la manière dont nous allons utiliser du matériel générique et des embryons ».

« Allons-nous considérer les embryons comme un bien, ou y a-t-il des considérations supérieures quant à la manière dont nous voulons que ce matériel génétique soit traité? » Considérer les embryons comme un bien comporte des risques, croit Me Johnston, puisqu’ils pourraient être utilisés à des fins inappropriées sur le plan des politiques sociales.

Selon Shantona Chaudury, associée chez Pape Chaudury LLP à Toronto et qui représentait S.H. (l’ex-conjoint), ce dossier était la première fois que le règlement sur le consentement était considéré dans le cadre d’un appel.

« Il met en évidence les principes directeurs de la Loi [sur la procréation assistée] concernant le consentement éclairé lors de l'utilisation des technologies de reproduction humaine », souligne Me Chaudhury. « C’est une question d’autonomie. »

L’avocate note que les récents changements apportés au règlement, publiés dans la Gazette du Canada en juin, clarifient le langage encore davantage.

« C’est une décision très claire, bien écrite et bien motivée », dit-elle. « Elle ne laisse pas de questions en suspens qui devront être résolues plus tard. » Une considération importante, puisque la jurisprudence relative à la Loi n’est pas abondante.

Ce qui arrive aux embryons maintenant que le consentement a été refusé reste à déterminer, dit Me Chaudhury. La situation tient en grande partie au fait que la Cour suprême du Canada a annulé certaines dispositions de la Loi dans un renvoi de 2010, et que l’Ontario n’a encore adopté de règlement à cet égard.

Selon Me Shebbeare, la décision de la Cour d’appel de l’Ontario pourrait être portée devant la Cour suprême du Canada. Les règles sur consentement doivent être modernisées, dit-elle, car le contexte social a évolué depuis leur adoption.

Selon Me Johnston, le règlement aborde la question du changement de circonstances pour les couples au fil du temps, et offre la possibilité de changer d’idée en fonction du contexte.

« La modification à l'obligation de consentement lorsqu'une personne n'est plus le conjoint d’une autre, est un compromis et constitue une exception spécifique lorsqu'un embryon est créé à l'aide de matériel reproductif humain provenant de l'un des membres du couple », précise Me Johnston. « Elle équilibre les forces en présence et assure l'autonomie de reproduction à l'individu dont le matériel de reproduction est utilisé. »

Le député libéral Anthony Housefather a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-404, qui aurait modifié la Loi sur la procréation assistée afin de supprimer les sanctions pénales relatives à l'indemnisation pour fourniture de matériel génétique ou maternité de substitution. Mais il ne se serait pas appliqué à cette situation, et le Parlement n'a pas eu le temps d’en débattre avant la fin de la session.

John Adair, associé fondateur d'Adair Goldblatt Bieber LLP à Toronto et avocat de D.H. (l'ex-épouse), n'avait pas fourni de commentaire au moment d’écrire ces lignes. Il n'a pas non plus indiqué si son client porterait la décision en appel devant la Cour suprême.