Passer au contenu

La résilience des Prairies : une autre façon de lutter contre les changements climatiques

La Saskatchewan a un profile énergétique unique. Le fait de s’armer d’outils différents dès le départ dans la lutte contre les GES est plus approprié.

Canola Grain Silo Solar Panel
iStock

Johan Runeberg, poète, est l’auteur de l’un des livres les plus connus en Finlande, Saarijärven Paavo. Il raconte l’histoire de Paavo, un fermier pauvre qui a déployé d’immenses efforts pour produire des récoltes alors qu’il devait lutter contre un climat rigoureux, une situation que bien des fermiers de la Saskatchewan peuvent tout à fait comprendre. Cependant, cette persévérance envers et contre tout (sisu en finnois) ne doit pas susciter la pitié, mais plutôt le respect. C’est une valeur que partagent les Finnois et les habitants de la Saskatchewan, qu’il s’agisse de défendre son territoire ou d’établir un foyer dans un nouveau et vaste territoire.

Sisu sous-tend le raisonnement du gouvernement de la Saskatchewan quant à sa stratégie climatique appelée Prairie Resilience (résilience des Prairies) et inaugurée en décembre 2018. En fournissant diverses options pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), Prairie Resilience a été conçue pour respecter les exigences fédérales en matière de tarification du carbone tout en demeurant assez souple pour pouvoir être utilisée par les industries et les entreprises de la province.

L’agriculture produisant beaucoup de carbone constitue une large portion de ces activités; la Saskatchewan comportant 46,8 % de la superficie vouée aux cultures au Canada. Cela représente plus que l’Alberta et le Manitoba pris ensemble et éclipse à toutes fins utiles les 3,5 % du Québec. Les secteurs suivants les plus importants de la province sont ceux de l’extraction minière et de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières, deux secteurs qui, eux aussi, produisent du carbone de façon intensive.

Qui plus est, les hivers rigoureux du climat continental signifient qu’il faut plus d’énergie pour chauffer les maisons et les entreprises situées en Saskatchewan plutôt qu’ailleurs au Canada. La population relativement restreinte est en outre disséminée dans toute la province, impliquant de longs déplacements. En raison de sa faible population et de la taille importante (et croissante) de ses industries qui produisent du carbone de façon intensive, la Saskatchewan est confrontée à des défis uniques en leur genre quant aux changements climatiques et doit adopter une approche différente pour atteindre l’objectif de réduction des émissions.

Prairie Resilience propose aux émetteurs de nature industrielle un grand nombre d’options pour la conformité qui leur permettront de réduire leurs émissions de GES.

La première pourrait être l’utilisation du système de compensation qui confère une valeur ajoutée aux mesures qui débouchent sur la séquestration du carbone ou la réduction des émissions. Des tiers pourraient créer, vérifier et vendre des compensations aux émetteurs pour atteindre la conformité. En l’absence de compensations, ils peuvent envisager de contribuer au fonds provincial pour la technologie au titre de mécanisme de conformité permettant d’améliorer les investissements dans les technologies transformatrices et l’innovation. Les émetteurs peuvent en outre souhaiter investir dans la technologie pour améliorer leurs installations afin de réduire les émissions de GES. Pour les entreprises plus diversifiées liées à d’autres émetteurs de GES, il pourrait s’avérer plus judicieux d’utiliser les crédits de meilleurs résultats. Les émetteurs novateurs pourraient envisager d’avoir recours aux résultats d'atténuation transférés à l'échelle internationale pour réduire leurs émissions de GES.

Prairie Resilience propose également des mécanismes supplémentaires pour lutter contre les changements climatiques, à savoir :

  • un cadre de mesure de la résilience climatique comportant la réglementation des comptes rendus annuels;
  • un plan d’action sur l’émission de méthane pour réduire les émissions produites par les activités de ventilation et de torchage dans le secteur pétrolier et gazier d’amont;
  • la possible expansion du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone;
  • l’exigence de divulgation financière connexe au climat imposée aux sociétés cotées en bourse qui sont basées en Saskatchewan;
  • la production de la moitié de la capacité énergétique à partir de ressources renouvelables, y compris le vent et le soleil, d’ici 2030.

Le gouvernement de la Saskatchewan, par l’entremise du fournisseur provincial public SaskPower, réduit activement les émissions au moyen d’initiatives liées à l’énergie renouvelable. En 2015, SaskPower a fixé comme objectif que la province devrait dériver la moitié de l’énergie de son électricité de sources renouvelables d’ici 2030, doublant le pourcentage de capacité électrique tirée de sources énergétiques renouvelables. Cette mesure pour réduire les émissions au moyen de projets énergétiques fondés sur des sources renouvelables exécutés par des producteurs d’énergie indépendants continuera à réduire activement les émissions dans la province.

On s’attend à ce que ces différentes options et mécanismes, qui peuvent être personnalisés pour correspondre au mieux à chaque émetteur, se traduisent par un fort taux de conformité à long terme tout en continuant à soutenir les secteurs agricoles, de l’extraction minière et de l’exploitation du pétrole et du gaz dans la province. Ce que Prairie Resilience n’a pas, c’est la taxe directe sur les combustibles, tels l’essence et le diesel, que propose le gouvernement fédéral. Cependant, la tarification fondée sur les émissions pour les grands émetteurs industriels appose une étiquette de prix claire et définie sur le carbone; émetteurs qui sont probablement le lieu où la réduction la plus importante des GES peut être effectuée au départ.

Alors que cette forme de stratégie de réduction des émissions de GES non traditionnelle pourrait ne pas convenir à d’autres régions du Canada, le cas de la Saskatchewan est unique en son genre. Moins de dix grands émetteurs de la province y sont implantés de longue date et ont des liens étroits avec la communauté et le gouvernement. Ils sont généralement considérés comme des entreprises responsables et même des gardiens de l’environnement. Ces émetteurs et leurs actions font fréquemment l’objet de l’attention soutenue du public et du gouvernement, et la non-conformité avec les politiques sur la réduction des émissions de GES constituerait pour ces entreprises un fardeau disproportionné. Par conséquent, le respect d’une stratégie plus souple convient mieux à la Saskatchewan.

La province a peut-être été un peu lente à mettre en œuvre des politiques pour réduire les émissions de GES, mais le fait de s’armer d’outils différents dès le départ semble approprié. Au fil des résultats concernant les politiques qui fonctionnement et celles qui échouent à réduire les émissions, l’éventail des options mises à la disposition des émetteurs va certainement se restreindre.

Prairie Resilience illustre le fameux concept finnois de sisu, une détermination à atteindre le succès même quand les autres présument que l’échec est inévitable. Qui vivra verra si ce succès est possible.