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Déterminer le bien-fondé du déménagement

Les propositions de modification de la Loi sur le divorce sont un pas dans la bonne direction. Cependant, le déménagement continue à soulever des questions épineuses.

Image d'un avion qui décolle.

Pendant des années, les tribunaux ont eu des difficultés à trancher les questions connexes au déménagement. La nécessité d’une réforme législative dans ce domaine a fait couler beaucoup d’encre. Le projet de loi C-78, qui modifierait la Loi sur le divorce, prévoit un pas dans la bonne direction. Fort louablement, il adopte une approche fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant qui correspond au thème général des modifications qu’il propose. 

Toutefois, il contient des lacunes qui doivent être comblées. Ainsi, les dispositions sur la notification désavantagent considérablement la partie à laquelle l’avis est destiné.

Le déménagement de l’un des parents peut porter atteinte à l’équilibre recherché par les tribunaux dans leurs ordonnances concernant le temps consacré au rôle parental, à la prise de décision ou au contact avec l’enfant. En vertu du projet de loi C-78, une partie qui exerce un rôle parental ou à laquelle incombent des responsabilités quant à la prise de décisions qui souhaite déménager est tenue de donner un préavis de 60 jours à l’autre; préavis comportant la date, l’adresse et les nouvelles coordonnées, ainsi qu’une proposition quant aux modalités de l’exercice du rôle parental, de la prise de décision ou des contacts. L’autre parent dispose de seulement 30 jours pour examiner l’avis et s’y opposer officiellement; un délai trop court, particulièrement dans les communautés où il est difficile d’engager un avocat. Si ce parent ne parvient pas à tout faire dans le délai imparti, l’autre peut déménager, sauf si un tribunal le lui interdit.

Ces brefs délais se traduiront presque certainement par un regain de recours aux tribunaux, puisque les parties n’auront pas le temps de recourir à la médiation ou à toute autre forme de règlement des litiges envisagée ailleurs dans le projet de loi. Elles devront donc engager un avocat, exprimer leur objection et entamer une procédure judiciaire.

Qui plus est, si l’une des parties déménage en raison de manquements de l’autre, soit un défaut de réponse ou de réponse dans les délais impartis, il n’existe aucune garantie que ce déménagement serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Le résultat pourrait être injuste tant pour l’enfant que pour le parent qui ne déménage pas.

Un préavis plus long pour l’intention de déménager et un délai plus long pour répondre améliorerait les chances que la planification soit axée sur l’enfant et encouragerait le recours au processus de règlement des différends familiaux. Après tout, dans la plupart des cas, le parent qui déménage l’a prévu et planifié depuis des mois, voire plus longtemps.

Il serait aussi utile d’exiger d’une partie qu’elle indique, dans un avis normalisé, si elle consent au plan de déménagement ou s’y oppose. Si la réponse (ou son absence) devait être consignée dans un registre d’avis, cela pourrait justifier une ordonnance modificative non contestée autorisant le déménagement.

Non seulement cela serait rentable, mais cela correspondrait aux objectifs d’accès à la justice fondés sur l’administration d’une justice équitable, uniforme et ordonnée et plus facile à accéder. 

On pourrait aussi suggérer d’exiger de la partie qui déménage qu’elle dépose sa demande de déménagement devant le tribunal, accompagnée de la preuve que l’autre partie a été informée et de sa réponse, ou d’une déclaration sous serment qu’il n’y a pas eu de réponse. En l’absence d’une objection, la personne qui déménage pourrait alors avoir droit à une ordonnance autorisant le déménagement. Cela ferait peser le fardeau initial sur la partie qui souhaite déménager, sauf ordonnance contraire du tribunal.

L’obtention d’une ordonnance modificative (au lieu d’un déménagement fondé sur une absence de réponse) garantirait qu’il n’existe aucune confusion quant aux dispositions de l’ordonnance précédente concernant les écoles, les médecins et autres services prestataires pour l’enfant dans son nouvel environnement.

Le projet de loi C-78 interdit en outre aux tribunaux d’envisager la double contrainte de savoir si la personne qui souhaite déménager avec l’enfant le ferait sans lui si le déménagement de ce dernier était interdit.

Cependant, il pourrait exister des circonstances dans lesquelles les tribunaux pourraient à bon droit envisager la question et lui accorder le poids approprié.

L’un des éléments essentiels du projet de loi vise les dispositions qui portent sur le fardeau de la preuve. Cela fournit un cadre utile aux parties, aux avocats et aux tribunaux, mais le libellé de l’article contient des écueils potentiels. Il est compliqué d’établir un cadre étant donné le grand nombre de variables et rouages que pourraient comporter ces dossiers. 

Lorsque le déménagement fait courir un risque au lien affectif sain entre un enfant et un parent, il devrait incomber au parent qui souhaite déménager de prouver que le projet de déménagement est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. En revanche, si l’enfant n’a pas de lien étroit avec un parent, quelle qu’en soit la raison, et que la personne qui fait figure de parent à laquelle l’enfant est attaché par des liens affectifs sains souhaite déménager, la personne qui s’oppose au déménagement devrait être tenue d’établir que ce n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

C’est dans la formulation législative de ces principes d’intérêt supérieur de façon à ce qu’ils soient facilement compris et ne comportent aucune incertitude que réside la difficulté. Le projet de loi suggère que le fardeau incombe au parent qui souhaite déménager seulement lorsque « les périodes au cours desquelles l’enfant à charge est confié à chacune des parties sont essentiellement équivalentes ». Toutefois, certains enfants ont des liens affectifs très étroits avec un parent avec lequel ils passent moins de temps qu’avec l’autre. Un calcul arbitraire du temps pourrait ne pas être la meilleure référence en la matière.

Les dispositions sur le déménagement devraient toujours avoir pour objectif le maintien d’un lien affectif solide et sain entre les enfants et les parents afin de leur donner stabilité et certitude. En fin de compte, les changements apportés aux régimes d’exercice de la fonction de parent qui découlent d’un déménagement ne devraient jamais avoir lieu sans avoir préalablement minutieusement envisagé l’intérêt supérieur de l’enfant dans un milieu où le conflit est amoindri.

Nous sommes ravis que le comité ait étudié le projet de loi et que des changements quant à la forme de l’avis y aient été insérés. Il reste à voir quels seront les détails inclus dans le règlement d’application. Espérons que la nouvelle loi sera promulguée avant l’ajournement du Parlement en raison des élections de cette année.