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Rémunération en pratique et transparence

Le secret en matière de rémunération ne profite à personne, même pas aux dirigeants des cabinets juridiques.

Hand with key and dollar sign

De récents sondages et rapports d’enquête confirment ce que les avocates savent depuis longtemps : l’écart salarial entre les hommes et les femmes est aussi bien installé dans les cabinets juridiques privés qu’il l’est au sein du gouvernement et dans d’autres secteurs. Bien que les femmes aient embrassé la profession juridique en nombre légèrement supérieur aux hommes depuis des décennies, elles n’ont toujours pas atteint la parité salariale. Les études révèlent également que plus les femmes progressent dans leur carrière, plus l’écart salarial est important.

Bien que certains des plus grands cabinets juridiques canadiens se soient récemment déclarés prêts à partager leurs données sur l’écart salarial entre hommes et femmes, la nature et le contenu des renseignements qui seront communiqués demeurent incertains, ainsi que le moment où cela aura lieu.

Problèmes connexes au secret en matière de rémunération

Pour les cabinets juridiques, il peut être judicieux de demeurer maîtres des renseignements qu’ils publient au sujet de leurs pratiques salariales. À tout le moins, la transparence salariale pourrait menacer les relations entre collègues et nuire au moral des employés. La transparence salariale faciliterait aussi la tâche aux cabinets concurrents qui souhaitent s’approprier les juristes les plus talentueux puisqu’il leur suffirait de leur proposer une rémunération supérieure à celle qu’ils touchent. Il s’agit là de craintes légitimes et les cabinets devraient pouvoir prendre des mesures raisonnables pour atténuer ces risques.

Malgré tout, selon un sondage réalisé par PayScale, les gens qui ignorent les structures de rémunération mises en place par leur employeur tendent à assumer qu’ils sont sous-payés ou victimes de discrimination, même si ce n’est pas le cas. Penser de cette façon peut nuire à la productivité et inciter des employés insatisfaits à quitter l’organisation. La raison étant que les salaires sont fréquemment considérés comme un reflet de la valeur qui nous est accordée par nos employeurs. En revanche, le sondage a révélé que plus les employés sont satisfaits de la rémunération qui leur est accordée, moins ils risquent de songer à partir.

Certains pourraient faire valoir qu’il incombe aux juristes de négocier de meilleurs salaires; un argument ayant une faiblesse inhérente puisque la recherche a démontré que les femmes ont moins tendance à vouloir négocier leur salaire lorsqu’il n’est pas explicitement indiqué que les salaires sont négociables. Cela pourrait découler du fait qu’elles ne veulent pas sembler trop agressives ou risquer de ne pas être engagées. Il est également avéré que les données sur les salaires sont un élément clé de toute négociation salariale digne de ce nom; des données qui brillent par leur absence dans la profession juridique.

Une enquête du quotidien The Globe and Mail a également révélé que les salaires inférieurs gagnés par les femmes qui exercent des professions juridiques ne sont pas le seul problème. Elles font également face à un réel écart au niveau des pouvoirs, écart exacerbé par le secret en matière de rémunération au sein de la profession juridique. Le manque de transparence au sujet de la rémunération, voire de la proportion de femmes par rapport aux hommes, complique la tâche de savoir combien de femmes associées sont des partenaires financiers (les associés qui investissent dans le cabinet et ont droit à une partie du profit) par opposition à des associées au niveau des revenus. Il s’agit d’un point fondamental, car les associés au niveau des revenus pourraient ne pas pouvoir susciter de réels changements au sein du cabinet.

Table ronde sur l’équité salariale

Brad Regehr, président de l’Association du Barreau canadien, a récemment dit : « Ce qui est mesuré est concrétisé. Le fait de posséder de meilleures données et une transparence accrue peut aider à accélérer l’avènement du changement ». C’est exactement ce que le Forum des avocates de l’ABC cherchait à réaliser en 2018 lorsque ses membres ont effectué le tout premier sondage sur les statistiques sur la rémunération des associés dans les cabinets juridiques canadiens.

Le sondage visait à recueillir des données sur la rémunération des associés qui exerçaient dans des cabinets regroupant plus de 50 juristes, en fonction de leur sexe. La majorité des cabinets qui ont participé au projet pilote en octobre 2018 hésitaient à divulguer les réelles données sur la rémunération, même présentées sous forme de pourcentage du revenu de chacun des associés par rapport au revenu total de l’ensemble des associés. Le Forum des avocates de l’ABC a fini par éliminer du sondage la section dédiée à la collecte de renseignements sur la rémunération individuelle. Malgré cela, seuls 27 cabinets sur 65 ont participé à la version modifiée du sondage. Le rapport final du Forum des avocates publié en octobre 2020 ne contenait donc aucune donnée sur l’écart salarial entre hommes et femmes.

Il n’en est pas moins que l’enquête a révélé la nécessité d’entreprendre d’autres études sur ce sujet au sein des cabinets juridiques. Afin de mettre cette recommandation en œuvre, le Forum des avocates a de nouveau tenté sa chance au sujet du secret en matière de rémunération dans le cadre de la table ronde sur l’équité salariale, un projet de recherche d’envergure nationale visant à recueillir des données sur l’écart salarial entre hommes et femmes au sein de la profession juridique. La table ronde a eu lieu le 21 avril 2021 et a commencé avec une séance en webdiffusion à laquelle a participé un groupe de spécialistes du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis. Elle a été suivie par des séances de réflexion virtuelles dirigées par des animatrices bénévoles. Les participants ont en outre eu la possibilité de remplir un questionnaire en ligne à la fin de la séance; questionnaire qui a permis de recueillir des données à l’échelle individuelle au sujet des expériences, des perceptions et des opinions des participants. Les données recueillies pendant la table ronde seront présentées dans un rapport écrit qui sera le premier rapport canadien sur les enjeux et difficultés en matière d’équité salariale dans la profession juridique.

Nous vous invitons à vous joindre à nous alors que nous faisons un autre pas audacieux vers la concrétisation de l’équité salariale au sein de la profession juridique.