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L’ère de l’avocat remplaçable

« Il n’y a rien comme un bon avocat. » Libre à n’importe que barreau d’une province d’utiliser ce slogan dans sa prochaine campagne publicitaire. Mais c’est une manière dangereuse et, ultimement, trompeuse de présenter les avocats dans le marché moderne des services juridiques.

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Traditionnellement, ces services ont été considérés comme étant immunisés contre la loi des produits équivalents, en partie parce que le droit a souvent été considéré (par les avocats, à tout le moins) comme un « produit de confiance », dont la valeur n’est pas tout à fait claire pour le consommateur, même après son utilisation.

Une autre raison, peut-être plus crédible, est qu’il était interdit de faire concurrence aux avocats sur le marché juridique. Faire ce que les avocats font, sans être soi-même avocat, constituait une pratique non-autorisée du droit.

La tendance qui est peut-être la plus significative dans la profession juridique à l’heure actuelle est l’émergence de produits substituts dans le domaine des services juridiques. Ils se développent de jure, comme en Ontario, où le Barreau du Haut-Canada réglemente les parajuristes indépendants.

Mais des substituts se développent aussi de facto, en l’absence d’autorisation officielle. Des compagnies comme LegalZoom et Rocket Lawyer vendent des millions de dollars en documents juridiques créés de manière interactive, malgré l’opposition du Barreau. Des logiciels mènent des tâches de révision et de vérifications, et l’intelligence artificielle laisse entrevoir la promesse d’activités encore plus sophistiquées dans un avenir rapproché.

Encore pire pour les firmes juridiques, les clients peuvent maintenant retenir des services d’avocats contractuels, d’agences juridiques par projet et de sous-traitants du droit, à des prix beaucoup plus abordables.

Il existe donc un vaste choix de substituts aux services d’un avocat.

Certaines solutions sont loin d’être parfaites, ce qui explique pourquoi la réglementation sur les parajuristes n’a pas fait baisser les tarifs des avocats en Ontario. Dans la plupart des cas, les parajuristes ne font pas concurrence aux avocats. Ils luttent pour une part de marché dont ces derniers ne veulent pas, et leur capacité à les déclasser n’augmenterait que si le barreau étendait leur champ d’action. 

Mais d’autres types de substituts s’approchent rapidement de la perfection. L’apprentissage des machines dans le domaine de la révision de documents est presque certainement supérieure aux efforts des avocats. Et un produit ou service qui est plus cher que son substitut qui s’approche de la perfection n’a aucun avenir.

Placés devant cette réalité, les avocats se rabattront sans doute sur la thèse des produits de confiance : les clients ne peuvent trouver d’options de remplacement parce qu’ils ne peuvent mesurer de manière significative l’impact qualitatif des services.

Mais même cet argument se fragilise, avec des clients sophistiqués qui commencent à développer de telles normes de mesure. L’efficacité des coûts, les délais, la précision et les résultats font partie des critères qui sont examinés.

L’époque où les avocats étaient les seules options disponibles est révolue. Les réformes réglementaires et les avancées technologiques ont ouvert des brèches dans l’édifice de la profession. Des tâches transactionnelles, cléricales et de recherche, qui ont engendré des millions d’heures facturables dans le passé, sont redirigées vers des substituts à moindres coûts, mais suffisamment compétents.

Que devrions-nous faire? Je vois deux possibilités. L’une est de développer nous-mêmes une gamme de produits substituts : de s’emparer de ces outils d’innovations et de créer une offre de services à moindre coût, qui fournit les mêmes résultats que les services traditionnels et qui sont offerts avec la garantie de votre nom et de votre réputation. En fait, perturbez vous-mêmes vos propres activités avant que d’autres ne le fassent. Les biens substituts font chuter les prix de ceux qu’ils remplacent; si vous pouvez livrer vos propres produits à un prix réduit, mais de manière profitable, vous avez une chance de rester compétitif, du moins pour l’instant.

L’autre possibilité est de diriger votre pratique vers des produits et services où il est difficile de trouver des substituts. Les services à la plus grande valeur ajoutée incluent des talents et capacités tels que la plaidoirie, la négociation, les conseils, le jugement, la stratégie et même la sagesse. Faites-en les fondements de vos services juridiques, et ça devrait prendre encore un certain temps avant que quelqu’un vous trouve un substitut valable.