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Une représentation équitable ?

À l’approche des prochaines élections, National s’est entretenu avec Michael Pal, spécialiste du droit électoral et partisan d’une plus grande égalité des électeurs, ou « représentation selon la population ».

Micheal Pal, Université d'Ottawa
Micheal Pal, Université d'Ottawa

 Professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Michael Pal a témoigné devant la Chambre des communes et par les comités sénatoriaux ayant étudié la Loi sur la représentation équitable du gouvernement Harper, qui a ajouté 30 circonscriptions à la carte électorale fédérale pour 2015 Il a été interviewé par BJ Siekierski. 

L’Ontario a de nombreuses conscriptions qui sont sous et sur-représentées, selon les déviations par rapport au quotient électoral de 106 213.

La Loi sur la représentation équitable porte-t-elle bien son nom? L’égalité des électeurs pose-t-elle toujours problème au Canada?

L’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario étaient très fortement sous-représentés. Grâce aux sièges ajoutés par la Loi, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont atteint une représentation proportionnelle à leur population, et l’Ontario n’en est pas loin. Mais le problème réside à l’intérieur de la province.

La Loi n’a pas réduit la marge de manoeuvre de 25 % par rapport au quotient provincial (nombre moyen d’électeurs par circonscription, obtenu en divisant la population de la province par le nombre de sièges) accordée aux commissions de délimitation des circonscriptions électorales des provinces par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Les commissions de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ont appliqué pratiquement à la lettre le principe de représentation selon la population. La commission de l’Ontario, pour sa part, a adopté une approche très différente qui a relégué ce principe au second rang, en se préoccupant des limites municipales plutôt que de l’égalité des électeurs, notamment. Les limites municipales ont certes leur importance, mais une importance secondaire, ce qu’a oublié la commission.

Les écarts sont-ils si importants en Ontario?

Certaines circonscriptions du nord – Thunder Bay-Rainy River, Thunder Bay-Superior North, Timmins-Baie James – sont à 20 % ou plus sous le quotient : elles sont surreprésentées. Ailleurs, Windsor-Ouest est à 12  %  au-dessus, et Whitby à 15 : elles sont sous-représentées.

Vous avez déjà suggéré qu’on limite cet écart à 5%.

Oui. Le simple fait de modifier l’écart maximum autorisé par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales réglerait une bonne part du problème. On pourrait aussi envisager de modifier les principes que les commissions doivent appliquer, et y inclure les limites municipales. Si c’est important, il faut le mettre dans la loi, qu’on devrait d’ailleurs reformuler afin d’obliger les commissions à respecter davantage la représentation selon la population.

Et ailleurs dans le monde? Quel est l’écart permis aux États-Unis et en Grande-Bretagne, par exemple?

Le Canada est un cas aberrant. La Grande-Bretagne est à cinq pour cent, sauf exceptions, tandis qu’aux États-Unis, c’est zéro pour les districts électoraux du Congrès. Ils doivent tous être identiques. Il y a des exemples loufoques d’affaires où le tribunal n’a pas toléré un écart de 11 électeurs. C’est exagéré : le recensement n’est pas aussi précis.

La représentation proportionnelle pourrait-elle être une solution? Et qu’en est-il du scrutin préférentiel?

En les étudiant de près, on voit bien que tous les systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients. Avec la proportionnelle, on ne verra plus un parti remporter 15 % des voix mais aucun siège. Elle amène cependant de nouveaux problèmes, comme les partis extrémistes et étriqués. Selon moi, il y a assez peu de désavantages au mode de scrutin préférentiel. Il donne plus de choix aux électeurs, il oblige les partis à faire campagne autrement, et ces derniers sont moins tentés d’avoir recours à des tactiques visant à supprimer les votes, comme les appels automatisés. 

J’ai l’impression que vous ne croyez pas ce changement possible.

Il y a eu de nombreuses assemblées de citoyens sur la réforme électorale, un référendum en Ontario, deux en Colombie-Britannique et un autre, je crois, à l’Île-du-Prince-Édouard; indéniablement, il y a un mouvement, et dans l’opinion publique, je crois que c’est acquis. Quant aux partis, c’est une autre question. Le NPD plaide pour la proportionnelle, et les libéraux pour un scrutin préférentiel. Mais, par définition, dès qu’un parti remporte les élections avec une majorité, il n’a pas tendance à vouloir changer le système. 

La Cour suprême sur l’égalité de l’électeur

Dans la référence sur les circonscriptions électorales provinciales (1991), la cour a jugé que l’article 3 de la Charte canadienne, qui garantit l’exercice du vote, ne garantit pas l’égalité parfaite de ce droit, mais seulement une représentation effective : « le droit de vote comporte de nombreux éléments, dont l’un est l’équité », affirme le jugement.

La Loi sur la représentation équitable a reçu la sanction royale le 16 décembre, 2011 et a ajouté 30 sièges à la Chambre des communes: 15 en Ontario, 6 en Alberta, 6 en C.B, et 3 au Québec.