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Q&R avec Daniel Martin Katz: La financiarisation juridique

Daniel Martin Katz discute des leçons que les technologies depointe dans le domaine financier peuvent offrir pour l’avenir du droit

Photo of Daniel Martin Katz, an associate professor of law at Illinois Tech – Chicago Kent College of Law

Les juristes doivent accorder plus d’attention à l’industrie financière, faire mieux pour évaluer et chiffrer les risques pour leurs clients et limiter leur propre exposition aux fluctuations du cycle des affaires. Daniel Martin Katz, professeur de droit à Illinois Tech – Chicago Kent College of Law, s’est entretenu avec Yves Faguy au sujet des leçons que les technologies de pointe dans le domaine financier peuvent offrir pour l’avenir du droit.

ABC National : Vous dites que vous commencez à voir la financiarisation des secteurs juridiques. Qu’est-ce que vous entendez par là?

Daniel Martin Katz : Dans un coin nous voyons les technologies financières (fintech) qui éliminent certaines difficultés inhérentes au processus financier, en essayant de contourner les banques – dans la souscription de prêts hypothécaires, les prêts entre particuliers, ce genre de choses. Et dans l’autre coin, il y a ce que nous avons auparavant considéré comme des risques exotiques ou des risques hors catégorie. Avec des analyses de données, nous sommes capables de les prévoir ou de les caractériser. Il y a certains aspects de ces deux branches qui se retrouvent en droit. La financiarisation [des services juridiques] porte surtout sur la portion risque – prédire le risque, ce qui est un élément important que font les avocats d’entreprise pour leurs clients.

N : Alors les technologies du domaine juridique vont éliminer certaines difficultés, de la même manière que le font celles du domaine financier?

DMK : Les gens ont eu plus de succès à le faire avec les fintechs qu’avec les technologies du domaine juridique parce qu’avec les fintechs, ça revient assez rapidement à une question d’argent. Avec les technologies du droit, c’est beaucoup plus difficile parce que beaucoup d’intermédiaires du secteur juridique sont requis, comme les tribunaux. Il est difficile de contourner le processus judiciaire. Pas impossible, mais c’est un défi. Mais une grande partie de ce que les avocats font n’a presque rien à voir avec les cours.

N : Vous dites aussi que les services juridiques sont une forme d’assurance.

DMK : C’est une assurance, mais avec une souscription douteuse. Alors la question est : est-ce que je peux m’améliorer? Alors si je vais voir mon avocat et lui dis : « Prédisez ce qui va survenir dans un dossier », […] quel est le modèle actuariel qui soutient ces prédictions? Est-ce que ce marché pourrait être amélioré? Mais vous ne pouvez pas répondre à ces questions. Si vous pouviez y répondre, vous diriez : « Eh bien, si je peux prédire l’issue des dossiers mieux que les autres, comment monétiser [cette capacité]? »

N : Des exemples?

DMK : Prenez les litiges dans le domaine financier. Les gens disent : « Nous allons simplement considérer que les litiges sont une catégorie d’actifs. Si je peux le prédire mieux que les autres contreparties, ils vont simplement me vendre cet actif. » Parce que l’autre personne ne sait pas vraiment comment établir le prix et vous, oui, alors vous pouvez faire un bon bout de chemin avec cette différence d’information, n’est-ce pas? Ça existe déjà. Ce n’est pas un fantasme. C’est une réalité qui prend de l’expansion.

N : Alors comment les cabinets juridiques devraient-ils approcher la financiarisation des services juridiques?

DMK : Pensez-y de cette manière. Chaque sept ans, la pratique dans le domaine des faillites [au sein d’une firme] est très élevée. Mais c’est cyclique et fonction de l’économie, donc vous aimeriez capter cette hausse chaque sept ans. Mais alors vous ne souhaitez pas être trop exposé lorsqu’il y a de la croissance. Alors si vous gérez un cabinet juridique, vous êtes réellement un gestionnaire de portefeuille qui est exposé à une variété d’événements. Prenez une firme à Houston, par exemple. Vous êtes très exposé au prix du pétrole et à un certain type de client. Si tout ce que vous possédez est des actions dans le domaine pétrolier, alors votre courtier dirait « écoute, tu dois diversifier ton portefeuille », n’est-ce pas?

N : Mais plusieurs firmes ont bel et bien des pratiques diversifiées.

DMK : Oui, mais je crois que certaines d’entre elles n’ont pas analysé leur exposition à certains types d’événements. Vous devriez être en mesure de faire une analyse assez rigoureuse […] et comprendre réellement comment les revenus de votre entreprise sont affectés par les tendances macro-économiques. Vous avez besoin d’un économiste ou de quelqu’un avec ce genre de connaissances. Vous devez adopter une position mieux ancrée dans les données et les prédictions statistiques d’une série de résultats, pas seulement le litige, mais les transactions, des résultats dans le domaine réglementaire et une gamme d’autres choses. Les firmes placent plutôt un doigt dans les airs, se fiant à l’expertise d’une seule personne. Elles doivent avoir recours aux outils que les réels souscripteurs utilisent.