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L'expérience des SEA au Royaume-Uni

Comme toute société, les structures d’entreprise alternative dans l’industrie juridique connaissent des hauts et des bas en Grande Bretagne.

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Oseriez-vous investir dans une entreprise juridique? Selon mon analyse du cours de leurs actions, les entreprises juridiques cotées au Royaume-Uni ont obtenu un rendement supérieur – voire grandement supérieur – à celui du marché en 2015.

Les cabinets juridiques dont les titres sont cotés sont un phénomène relativement nouveau. Le premier, Slater & Gordon, est entré en bourse en 2007.

Peu de temps après, Integrated Legal Holdings a été inscrite à la bourse australienne; malheureusement, elle a été placée sous tutelle fin 2014. Shine Lawyers, spécialisé en dommages corporels, est le troisième exemple australien.

Le phénomène est plus fréquent au Royaume-Uni depuis l’autorisation de la participation de non-avocats à la propriété en 2011. Toutefois, le seul cabinet autrefois traditionnel qui est coté est Gateley, un cabinet national spécialisé en droit commercial. Inscrit à la bourse depuis juin 2015, il compte croître à l’interne et par des acquisitions.

Selon le prix d’introduction de son action, la capitalisation boursière de Gateley était de 100 millions £. (207 M$); 30 % de cette somme ont été obtenus auprès d’investisseurs institutionnels et autres, 5 % ont été réinjectés dans l’entreprise et 25 % ont été versés aux actionnaires vendeurs. Quelque 10 % de ses profits proviennent d’investissements de clients. L’entreprise compte verser jusqu’à 70 % de ses bénéfices après impôt à ses actionnaires. Le cours de l’action a augmenté de 7 % par rapport au prix d’introduction.

D’autres cabinets ont été achetés par des entreprises cotées, notamment Fairpoint Group, qui offre aujourd’hui des services juridiques aux consommateurs du fait de ses nombreuses acquisitions. Autre exemple : Redde, entreprise de gestion d’accidents ayant acheté un cabinet en 2014, a vu son action plus que doubler de valeur en 2015 grâce à la diversification de ses activités.

Par contre, les entreprises cotées sont vulnérables aux mauvaises nouvelles. En 2015, le gouvernement britannique a annoncé une réforme du régime de lésions corporelles, ce qui a fait chuter le cours des actions de trois sociétés actives dans ce domaine du côté de la défense – Redde, Fairpoint et NAHL (une entreprise de marketing juridique). S&G a également été durement touché.

Il y a aussi l’histoire pénible de Quindell. Afin d’offrir un service externe de traitement des réclamations pour lésions corporelles aux compagnies d’assurance, Quindell, une société non juridique, a acheté trois cabinets d’avocats et plusieurs autres entreprises connexes en très peu de temps. En 2014, de sérieux doutes quant à ses activités ont provoqué l’effondrement de son action. L’entreprise fait aujourd’hui l’objet d’une enquête criminelle.

Néanmoins, l’été dernier, S&G a acheté les services juridiques de Quindell pour la somme extravagante de 637 millions de livres (1,3 M $). Le cabinet a affirmé avoir exercé un contrôle préalable, mais tous n’ont pas été convaincus : son action a perdu presque 90 % de sa valeur en 2015. Le droit, un secteur autrefois stable, fait désormais face à de nouveaux risques.

Les entreprises attirant des investissements privés ont également traversé une période difficile. Parabis, premier cabinet du genre, spécialisé dans les assurances, a récemment fait faillite, plombé par une dette de plus de 100 millions £. Parabis avait de nombreux problèmes, notamment la réforme gouvernementale du régime de lésions corporelles.

D’autres sociétés financées se portent mieux. L’an dernier, un premier cabinet généraliste a bénéficié d’investissements en capital pour ouvrir de nouvelles succursales. McMillian Williams a choisi ce mode de financement après avoir essuyé le refus des banques.

Pour l’heure, il est difficile d’évaluer l’effet de ces changements — la libéralisation du secteur juridique étant un phénomène récent. Aujourd’hui, parmi 10 000 cabinets en Angleterre et au pays de Galles, on compte 500 qui sont des entreprises non traditionnelles.

De nouveaux concurrents peuvent certainement venir marcher sur les plates-bandes des cabinets. Trois des quatre grandes firmes comptables (Deloitte fait exception) ont des permis pour former des SEAs et n’hésitent pas à faire concurrence aux sociétés d’avocats. De petits cabinets comptables le font également, mais plus prudemment. D’autres organismes, comme la British Medical Association, qui représente 150 000 médecins, créent leur propre cabinet d’avocats.

En somme, l’expérience se poursuit. Mais parmi toutes les histoires d’horreur recensées jusqu’à maintenant, aucune n’indique que la participation de non-avocats à la propriété nuise à l’intégrité des cabinets, la principale peur des avocats. Tous les cabinets peuvent faire faillite, et les entreprises non traditionnelles ne font pas exception.