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Y a pas le feu!

Pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut remettre à demain?

Blue office chair at desk

Regardons les choses en face. Nous l’avons tous déjà fait, certains plus souvent que d’autres : attendre à la dernière minute pour entamer un projet, acheter ses cadeaux la veille de Noël, passer la nuit à rédiger une dissertation, étudier le matin même d’un examen. En fait, selon Piers Steel, auteur du livre Procrastination, 95 % des adultes admettent procrastiner à l’occasion. Du lot, 20 % se disent procrastinateurs chroniques.

Tim Pychyl, professeur agrégé de psychologie à l’Université Carleton, décrit la procrastination comme le fait de repousser volontairement une tâche en sachant bien que ça ne fera qu’empirer la situation. Ce comportement permet de stabiliser l’humeur à court terme pour que « nous puissions nous débarrasser des émotions négatives liées à la tâche qui nous attend, comme l’ennui, la peur de l’échec, la frustration, la colère ou le ressentiment », affirme-t-il.

Il est important de reconnaître qu’il n’y a pas de bon côté à la procrastination, explique le psychologue. C’est une « réaction d’évitement ».

Parmi les facteurs contributifs, ci­tons l’absence de discipline, le man­que de confiance, la pression sociale et la désorganisation. Dans le cas des personnes qui présentent une combinaison parfaite de facteurs héréditaires et environnementaux (p. ex., une personne sensible à la pression sociale ayant un penchant pour la désorganisation), la procrastination est inévitable.

Si vous êtes procrastinateur, c’est-à-dire que vous avez tendance à remettre les choses au lendemain, « vous êtes constamment à l’affût de prétextes pour interrompre ce que vous faites, affirme Laura Williams de Williams HR Law, et vous devez apprendre à ne pas vous laisser distraire, pour vous engager sur la voie de la réussite ».

Perte de productivité, relations ten­dues, problèmes de santé : la procrastination a un prix. Elle a un effet direct sur le stress, et les recherches de Fuschia Sirois, de l’Université Bi­shop’s, ont d’ailleurs montré que les procrastinateurs ont tendance à avoir du mal à dormir, à manger sainement et à faire de l’exercice. 

Il y a toutefois de l’espoir : les procrastinateurs peuvent changer. La première chose à faire est de ne jamais remettre au lendemain ce que l’on peut faire aujourd’hui.

La procrastination dans le milieu juridique

Dans un cabinet d’avocats, perdre du temps est presque considéré comme une forme de sabotage. Ce comportement peut faire sauter les échéan­ciers, créer des pertes de temps et nuire aux relations de travail. Voici les conséquences de la procrastination en milieu de travail :

Pertes de temps

Si « le temps, c’est de l’argent », alors quand on perd du temps (quand on procrastine), on perd de l’argent. On introduit l’inefficacité dans notre journée lorsqu’on remet son travail à plus tard, et ce temps ne reviendra pas. Et dans le monde des heures factu­ra­bles, la procrastination n’est tout simplement pas une option.

Baisse de qualité

Les procrastinateurs croient souvent qu’ils travaillent mieux sous pression, lorsqu’ils ont une poussée d’adrénaline. Mais la plupart du temps, le travail de dernière minute est de moindre qualité, constate la consultante en productivité Ann Gomez. « Lorsque vous faites quelque chose à la dernière minute, vous n’avez pas de jeu pour demander l’avis de spécialistes et de collègues, et vous manquez de temps pour bien lire les documents de référence, ce qui peut donner un résultat bâclé », explique-t-elle.

Relations tendues

Le fait d’éviter les tâches ne touche pas seulement le procrastinateur : il peut entraîner le non-respect des échéances et décevoir ses collègues et clients. Si vous êtes procrastinateur chronique, vos clients et collègues en viendront à se dire qu’ils ne peuvent pas compter sur vous et à vous voir comme une personne incompétente ou tout simplement paresseuse. Ne soyez pas celui ou celle avec qui personne ne veut faire équipe, conseille Ann Gomez.

En chiffr3s

  • 95%
    Pourcentage de personnes qui admettent procrastiner à l’occasion. (Piers Steel, Procrastination)
  • 40%
    Pourcentage de personnes qui ont subi des pertes financières en raison de la procrastination. (Gura, 2008)
  • 29%
    Pourcentage de procrastinateurs qui se considèrent comme ayant réussi. (Piers Steel, Procrastination)
  • 20%
    Pourcentage d’adultes américains qui sont procrastinateurs chroniques. (The Chronicle of Higher Education)

      Dompter la bête

      Procrastinateurs, ne désespérez pas! Selon la consultante en productivité Ann Gomez, il est possible de venir à bout de la procrastination, mais il faut du temps, de la pratique et de la volonté. Elle a créé l’acronyme ACT (« agir » en anglais) pour s’attaquer aux causes profondes de la procrastination et en briser le cycle :

      ‘A’ pour  attainable (réalisable) : Certaines personnes procrastinent parce qu’elles ont l’impression que le travail est irréalisable, que la montagne est trop haute. Divisez le projet en petites étapes faciles à gérer.

      ‘C’ pour confidence (confiance) : Il s’agit habituellement d’un casse-tête pour les professionnels exigeants. Les attentes sont élevées, et la pression est énorme pour réaliser un travail qui y répond. Une bonne stratégie consiste à demander l’avis d’autres « experts » au fur et à mesure que vous franchissez les différentes étapes du travail et de repenser à vos réussites pour avoir un regain de confiance. 

      T’ pour timeline (échéancier) : N’avoir aucune échéance, c’est ouvrir la porte à la procrastination. Fixez un calendrier avec des échéances précises pour chacune des étapes du projet.

      Les conseils des experts


      Dr. Tim Pychyl, professeur adjoint en psychologie, université de Carleton

      « Il est toujours dans votre intérêt de vous engager à faire une action très concrète, et plus vous le faites, plus vous aurez de succès. De vagues intentions dénotent un manque de volonté. « Je le ferai plus tard » : ça ne veut rien dire du tout, sauf peut-être que vous ne voulez pas le faire.

      Il est aussi important de chasser toutes les pensées négatives et les hésitations et de simplement vous lancer. Commencez n’importe où : commencez au milieu, commencez à la fin, commencez où bon vous semble. Ne vous en faites pas sur le point où vous commencez, mais commencez. Il faut mettre la machine en marche pour accomplir le travail. »


      Ann Gomez, consultante en productivité, Clear Concept

      « Lorsque vous travaillez avec un procrastinateur, il faut absolument des échéances. Au lieu de dire à quelqu’un « Peux-tu me remettre la version finale du dossier d’ici le 30 juin? », dites quelque chose comme « Est-ce qu’on peut se revoir dans trois jours pour examiner ta première version? » Ainsi, vous les aidez à diviser le travail en présentant la prochaine étape à faire et vous aidez à fixer des échéances à court terme. Rien de mieux qu’une échéance pour stimuler la productivité. Les échéances agissent habituellement sur toutes les causes profondes de la procrastination. Vous pouvez encore sentir un manque de confiance par rapport à la tâche ou ne pas avoir envie de la faire, mais si elle doit être terminée le vendredi, il va falloir que vous vous retroussiez les manches. »


      Laura Williams, fondatrice, HR Law

      « Vous devez faire des efforts et utiliser les ressources à votre disposition pour gérer les comportements qui portent à la procrastination. Vous pouvez collaborer avec votre assistant pour vous donner une stratégie de gestion de vos courriels, des appels qui vous interrompent et des réunions éclair qui « ne prendront qu’une minute » et qui vous dérangent dans vos tâches.

      Le principal conseil que je donnerais aux avocats qui ont un assistant est de l’intégrer aux processus qu’ils mettent en place pour contrer leurs habitudes de procrastination, parce que nous avons tous des habitudes différentes. »