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Juriste d’entreprise, un pensez-y-bien

Le terrain du voisin est-il vraiment plus vert?

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LES CONVIVES

L'avocate générale: Martha Binks est avocate générale, secrétaire générale adjointe et directrice des services juridiques de la compagnie d’assurance Allstate à Markham (Ontario) depuis 14 ans.

L’avocat: Nous l’appellerons Gilbert. Avocat en pratique privée à Toronto, il envisage de devenir juriste en entreprise. Mais, pour le moment, il garde le secret.

 

Assise au Figo dans le quartier des spectacles de Toronto, Martha Binks commande un plat du menu inspiré des saveurs d’Italie, puis attaque le principal problème de bien des avocats épuisés en pratique privée : concilier travail et vie personnelle.

Quand elle s’est tournée vers Allstate, elle était associée d’un cabinet d’avocats et mère de trois jeunes enfants. C’est la quête d’un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle qui a surtout motivé sa décision. « Je commençais à être exténuée », affirme-t-elle.

Elle insiste néanmoins sur le fait que, à l’approche d’un procès où elle doit plaider, les heures de travail s’accumulent : « Il faut tout faire. On se réveille au beau milieu de la nuit en pensant au procès. La famille? On l’ignore : on oublie tout. En pratique privée ou en entreprise, c’est pareil. » Elle ajoute que, parfois, il faut carrément travailler sans arrêt. Sinon, ce sont habituellement des semaines de 45 à 50 heures.

Elle informe les aspirants juristes d’entreprise qu’une certaine flexibilité est possible, mais apporte une nuance : « Ce n’est pas parce qu’on veut assister au match éliminatoire de soccer de notre fils le vendredi après midi que, pour autant, on aura congé. » Ce temps devra être rattrapé, sûrement la fin de semaine.

Mais le travail en entreprise a aussi du bon : Me Binks effectue moins de tâches administratives. Comme elle ne s’occupe plus de la consignation de ses heures, de la facturation et de la prospection de clientèle, elle peut se consacrer à la seule pratique du droit. Entretenir les relations client gruge parfois un temps considérable et, selon elle, l’avantage en entreprise est de pouvoir établir rapidement des relations étroites avec les clients sans pour autant devoir les inviter à dîner.

Selon Gilbert, il offrirait sûrement de meilleurs services juridiques en entreprise, puisqu’il connaîtrait mieux ses clients et appliquerait une stratégie d’entreprise bien définie. Me Binks abonde en ce sens : « Nous sommes toujours au diapason des clients, car leurs intérêts sont notre priorité. Et mieux on connaît son client, mieux on peut le conseiller. » Elle ajoute que, lors de l’élaboration des stratégies, « les juristes sont bien mieux placés pour offrir des conseils, car ils comprennent les rouages de l’entreprise ».

Quant au contentieux, Me Binks déclare : « Nous visons l’excellence. Nous voulons faire mieux et plus vite, et il faut se démener pour gagner la confiance du client. Une erreur peut tout faire basculer, que ce soit à l’issue d’une médiation, d’une communication de la preuve ou d’un procès. »

Gilbert souligne que la dynamique du contentieux diffère selon les entreprises : « Pour certaines entreprises, le contentieux n’est qu’un frein aux ventes qui ralentit la production et la productivité. »

Me Binks reconnaît que pour certains, le contentieux, c’est « le service qui dit non ». Toutefois, elle tente de voir les difficultés comme des occasions d’apprentissage plutôt que des problèmes. Par exemple, quand des règlements viennent limiter la marge de manœuvre de l’entreprise, son équipe est alors amenée à changer sa perspective, ce qui se traduit parfois par une amélioration des méthodes.

Tandis qu’on conclut le repas avec des cappuccinos, Me Binks recommande aux juristes de se renseigner autant que possible sur l’entreprise convoitée avant de faire le grand saut : « Parlez aux employés, essayez de savoir ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas de leur entreprise. Tentez d’en comprendre la culture organisationnelle, car il n’y en a pas deux pareilles. »