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Le jeu de l’innovation

Après avoir lu les livres et assisté aux colloques, vous avez accepté l&rsquo;inévitable : pour que votre cabinet demeure concurrentiel et qu&rsquo;il attire les meilleurs, vous devez élaborer une stratégie d&rsquo;affaires qui tienne compte des demandes changeantes de la clientèle, des nouvelles technologies et de l&rsquo;instabilité réglementaire.</p> <p>

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Par où commencer?

Vous avez déjà une longueur d’avance si vous reconnaissez que le statu quo n’est pas viable à long terme, estime Mike Ross, fondateur de Juniper, une société montréalaise d’experts-conseils en stratégie. Vous devez donc rallier vos associés et revoir les modalités de votre offre de services.

La tâche sera ardue, car dans les cabinets où l’argent coule encore à flots, les associés ne sont guère incités à apporter des changements. Par ailleurs, une crise de succession se prépare : parmi les cabinets américains, 63 % ont un chiffre d’affaires contrôlé à plus de 25 % par des associés de 60 ans et plus, mais seulement 31 % ont mis en place un processus de succession officiel, selon une étude d’Altman Weil publiée l’an dernier.

Ross se remémore une conversation lors de laquelle un associé directeur lui a fièrement confié que son cabinet, l’un des plus importants au Canada, s’occupait d’innovation… par l’entremise d’un comité composé de trois associés principaux dispersés à travers le pays! « J’ai répliqué : “Vous êtes sans doute assez intelligent pour vous rendre compte de la stupidité d’une telle idée : vous confiez les décisions à ceux qui ressentent le moins le besoin du changement.” » L’associé a répondu qu’il prendrait sa retraite dans quelques années de toute façon.

Même les cabinets qui se croient à la fine pointe de l’innovation traînent de la patte. Selon une étude récente de l’Université McGill, 89 % des associés affirment que l’innovation est l’une des grandes priorités stratégiques de leur cabinet, tandis que 58 % des avocats adjoints prétendent le contraire ou ont une opinion neutre. Le même pourcentage d’avocats adjoints ressent « une absence de volonté en matière d’innovation ou une inconscience à cet égard dans leur cabinet ».

L’enjeu est de taille. De l’avis de Ross, le marché du droit n’échappera pas aux bouleversements qu’ont connus les secteurs de la presse, de l’hébergement hôtelier et du taxi. Le risque pour les cabinets : « L’un d’eux va résoudre le problème et anéantir la concurrence. »

Le profond changement structural à venir dépasse le recours à la technologie. Cela n’a rien de radical, considère Ross. En fait, c’est l’une des raisons pour lesquelles les associés ne sont pas inquiets. La techno a profité aux cabinets, en leur permettant d’améliorer leurs méthodes de recherche de même que leur gestion des dossiers et des coûts. Mais il entrevoit un changement dans des choses aussi fondamentales que la négociation des relations juridiques.

Par exemple, que se passerait-il si un groupe d’acheteurs et de fournisseurs de l’industrie de la construction pouvait régir ses relations au moyen d’un contrat modèle intégrant une structure tarifaire servant à « punir » les contrevenants? « La technologie entraînera ce type de renouvellement des relations juridiques. C’est inévitable », prédit Ross.