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La retraite dorée

Un régime à prestations déterminées pour les juristes? Sans rire?

Gold egg on a scale
iStock

Comme beaucoup de membres de sa génération, Dawn Marchand envie les bénéficiaires de régimes de retraite à prestations déterminées. « Mes deux parents ont eu la chance de profiter d’un régime à prestations déterminées », confie la présidente et chef de la direction de la Financière des avocates et avocats, l’organisme à but non lucratif de services d’assurance et de placement. « Ma mère était enseignante et mon père, fonctionnaire au fédéral. Je les vois aujourd’hui vivre dans l’aisance. Ils ne survivront jamais à leur argent : il en arrive sans cesse chaque mois. »

Le régime de retraite à prestations déterminées (RPD) est la référence en matière de revenu de retraite. Employé et employeur versent chacun l’équivalent d’un certain pourcentage du revenu de l’employé, souvent 5 % chacun. À la retraite, l’employé reçoit un revenu mensuel déterminé pour le reste de ses jours.

Les RPD étaient courants jadis dans le secteur public et chez les gros employeurs. Ils sont aujourd’hui beaucoup plus rares. « C’est une quasi-certitude qu’il restera moins d’un demi-million de membres actifs d’un RPD dans le secteur privé d’ici 2026 », écrivait l’actuaire Frederic Vettese dans le Globe and Mail en 2018. « Cela représente au maximum 3 % de la main-d’œuvre du secteur privé. »

Les RPD sont rares « parce qu’ils présentent un risque très élevé », explique Mme Marchand. Ils présentent en effet un risque fiduciaire élevé pour l’employeur, qui doit garantir qu’il pourra financer les prestations de retraite de ses employés. Les cabinets juridiques – comme l’immense majorité des employeurs du secteur privé – s’en tiennent loin.

Il y a cinq ans, Dawn Marchand a été approchée par Randy Bauslaugh, associé national et spécialiste des régimes de retraite chez McCarthy Tétrault à Toronto. Les juristes ne prennent pas les mesures nécessaires pour planifier leur retraite, a-t-il fait remarquer à Mme Marchand et à ses collègues. En tant qu’organisme sans but lucratif voué au bien-être financier des membres de la communauté juridique, la Financière des avocates et avocats devait se pencher sur le problème.

L’organisme a donc sondé les cabinets juridiques afin de voir « quel type de régime de retraite nous pourrions mettre sur pied », explique Mme Marchand. Puis, en 2018, le Collège des arts appliqués et de technologie a approché la Financière en lui disant qu’il ouvrait son régime de retraite à toutes les organisations canadiennes.

Le régime du Collège, appelé DBplus, est un régime interentreprises à financement conjoint. Une formule intéressante pour la Financière, puisque la responsabilité fiduciaire incombe au Collège et non aux cabinets individuels. « C’est une solution clé en main, résume Mme Marchand. Pour nous, il n’y a ni responsabilité, ni TI, ni administration. Le Collège s’occupe de tout. Tout ce que l’employeur a à faire, c’est de verser une cotisation mensuelle, comme il le fait pour le RPC. »

Les cotisations varient entre 5 % et 9 % du revenu de l’employé, tant pour l’employé que pour l’employeur. La Financière a toutefois conclu une entente particulière avec le Collège, explique Mme Marchand. Selon cette entente, les cabinets peuvent commencer à 3 % (tant pour l’employé que pour l’employeur), à condition qu’ils acceptent d’augmenter leur niveau de cotisation d’au moins 0,5 % par an jusqu’à ce qu’ils atteignent 5 %. Les associés du cabinet peuvent également participer à DBplus s’ils possèdent une société professionnelle qui pourra verser la part de l’employeur.

La Financière des avocates et avocats a commencé à offrir DBplus à la communauté juridique à l’été 2020. L’intérêt est indéniable, confirme Mme Marchand, mais la pandémie a ralenti les choses. Les gens n’ont pas autant l’occasion d’en entendre parler ni de se passer le mot devant la cafetière.

On comprend aisément pourquoi un employé souhaiterait participer à un RPD. Mais qu’en est-il des cabinets, qui doivent faire une place dans leur budget pour payer les cotisations de chaque employé, chaque mois?

Quinn Ross, associé directeur du cabinet Ross – qui compte 37 employés, dont 11 juristes –, a rejoint DBplus en août 2020, au beau milieu de la pandémie. Dans un épisode du balado Work that Works, de l’Association du Barreau de l’Ontario, il explique en riant que son cabinet a décidé de dépenser beaucoup d’argent, alors que ses revenus diminuaient, simplement « pour rendre tout le monde vraiment heureux ».

Une stratégie qui s’est avérée payante. « Chaque fois que nous posons ce genre de geste positif, raconte-t-il dans le balado, nous en récoltons les dividendes. Le montant à payer n’a aucune importance, puisque les avantages l’emportent toujours. Toujours. »

Avant longtemps, Me Ross a pu constater qu’il était plus facile d’attirer des candidats de talent, « parce que peu de cabinets de petite ou moyenne taille offrent un régime de retraite ». Aujourd’hui, chaque fois que le cabinet souhaite recruter un nouvel employé, il mentionne expressément son RPD.

Les études montrent que plus de la moitié des Canadiens et Canadiennes considèrent que le stress associé à la planification de leur retraite nuit moyennement ou fortement à leur travail.

« Je suis dans le secteur des assurances et je le vois dans l’augmentation des frais liés aux incapacités, explique Dawn Marchand. Nous avons tous entendu parler du stress vécu dans la communauté juridique. C’est la plus importante incapacité que nous observons chez les juristes. Je ne dis pas qu’il s’agit seulement de planification financière. Ce n’est certainement pas le cas. Mais c’est un facteur important. » Sans compter les coûts pour le cabinet, comme la baisse de productivité et de motivation des employés, ajoute-t-elle.

« Nous croyons qu’en prenant soin de notre équipe, l’entreprise s’en trouvera assurée, et tout le monde en bénéficiera, lance Quinn Ross. Un RPD permet d’alléger la pression exercée par la perspective de la retraite et aide à faire concorder le moment où une personne souhaite arrêter de travailler avec celui où elle peut arrêter de travailler. » Le cabinet Ross propose par ailleurs une semaine de travail de quatre jours. La combinaison de ces deux mesures a entraîné « une augmentation de la productivité et des revenus et, à l’opposé, une diminution des départs ainsi que des absences pour raison de santé », note Me Ross. « Tout le monde y gagne. »

Pour en savoir plus sur le régime DBplus, vous pouvez visionner ce webinaire sur demande.