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Comment faciliter le retour au bureau

Miser sur une culture de bureau robuste, c’est mieux que de marteler la productivité.

Faire revenir les juristes au bureau
Istock

Certains juristes, bien installés à la maison depuis deux ans, sont aujourd’hui réticents à l’idée de retourner au bureau, laissant les cabinets juridiques naviguer dans l’incertitude quant à l’avenir du travail dans la profession à l’ère postpandémique.

Charles Hurdon, associé-chef de la direction au Canada de Norton Rose Fulbright Canada SENCRL, explique que son cabinet disposait déjà d’une politique sur les modalités de travail flexibles avant la pandémie, ce qui leur a permis de passer rapidement au travail à distance.

« Nous avons été l’un des premiers cabinets à fermer nos portes lorsque la pandémie est arrivée, raconte-t-il. Comme tout le monde, aussitôt les bureaux fermés, nous nous sommes mis à l’œuvre pour que tous nos employés puissent travailler à distance. En l’espace d’environ une semaine, la grande majorité de notre personnel était fonctionnel à la maison. En deux semaines, tout fonctionnait pratiquement comme d’habitude. »

Au cours des deux dernières années, la plupart des juristes de BLG sont graduellement retournés au bureau pour y travailler au moins à l’occasion, selon leur situation, affirme Andrew Harrison, associé directeur régional du bureau de Borden Ladner Gervais à Toronto. Celui-ci indique qu’avant la pandémie, « tous les employés pour ainsi dire travaillaient au bureau à temps plein ».

« Les situations personnelles varient beaucoup, mentionne-t-il. D’un côté, vous avez le jeune célibataire qui vit dans un studio et ne demande qu’à sortir et à voir des gens; il ne veut pas rester enfermé chez lui à longueur de semaine. À l’autre extrême, vous avez des parents de jeunes enfants qui veulent retrouver un lieu de travail à l’extérieur de la maison pour pouvoir se concentrer. Mais vous avez aussi des gens dont les enfants ont déjà quitté le nid familial, et qui n’ont aucun problème à travailler de chez eux. C’est dans ce genre de contexte que le travail à la maison est le plus avantageux. »

Aujourd’hui, plus de deux ans après le début de la pandémie, les employés se sont habitués au travail à distance, et les cabinets juridiques devront en tenir compte dans leurs plans d’avenir.

« Il est aussi difficile de faire revenir les employés au bureau qu’il l’a été de les en faire sortir », note Andrew Harrison, ajoutant que l’on s’attend maintenant à ce que les juristes se présentent au bureau en moyenne deux jours par semaine.

La politique du cabinet est toutefois flexible, ajoute-t-il. « Personne n’exige une fiche de présence. Nous souhaitons simplement une présence suffisante pour que le cabinet fonctionne de façon optimale. »

Charles Hurdon, associé-chef de la direction au Canada de Norton Rose Fulbright Canada SENCRL, explique que son cabinet doit lui aussi transiger avec des juristes qui souhaitent travailler à la maison.

« Nous encourageons le personnel à travailler au bureau de deux à trois jours par semaine selon son emplacement géographique, affirme-t-il. Nous n’imposons pas cette directive de force. Pour l’instant, nous demandons simplement aux employés de la respecter, et ce que je remarque actuellement, c’est qu’une bonne partie de notre équipe se présente maintenant quelques jours par semaine. »

Certains juristes sont « plutôt réticents » à l’idée de revenir au bureau, plus particulièrement ceux qui doivent s’y rendre en voiture ou avec le transport en commun, mentionne Me Hurdon.

Dans certains cabinets, la présence au bureau est maintenant obligatoire, mais Me Hurdon et Me Harrisson aimeraient ne pas en arriver là.

« Nous allons passer de l’encouragement à l’encouragement soutenu, explique Charles Hurdon. Nous ne voulons pas en venir à le leur imposer comme quelque chose d’obligatoire. »

Au cabinet de Me Harrison, l’approche est « celle de la carotte, et non du bâton ».

« Nous avons vraiment réfléchi à ce qui pourrait inciter le personnel à venir travailler au bureau, à une motivation supplémentaire pour que les gens y viennent deux jours par semaine, raconte Me Harrison. Ces jours-là, il peut y avoir au programme une réunion de groupe de pratique, des exercices de consolidation d’équipe, ou encore une activité sociale ou une réunion avec des mentors. »

D’après Me Harrison, les interactions personnelles au bureau peuvent être aussi bénéfiques pour le cabinet que pour les avocats eux-mêmes.

« Il ne faut pas négliger les bienfaits des contacts physiques et des interactions fortuites, qui ne se produisent pas dans un appel en visioconférence, soutient Me Harrison. Lors de rencontres en présentiel, certains arrivent forcément un peu à l’avance ou s’attardent quelque peu à la fin, ce qui donne lieu à des discussions informelles. Au contraire, lors d’appels vidéo, les participants arrivent exactement à l’heure prévue et chacun quitte la discussion lorsqu’elle se termine, et l’on perd cette possibilité d’interagir informellement. »

Selon Me Hurdon, les avantages se font particulièrement sentir pour le mentorat, la formation et le développement d’une culture solide au bureau.

« Il est difficile pour les employés d’avoir un sentiment d’appartenance envers l’entreprise lorsqu’ils travaillent tous les jours à la maison, fait-il valoir. La plupart commenceront à se voir comme des consultants indépendants sans autre attache à l’entreprise qu’un simple lien à distance ».

Me Hurdon recommande aux cabinets juridiques d’éviter de mettre l’accent uniquement sur la productivité auprès des travailleurs réticents à revenir au bureau. « Dans la plupart des grands cabinets, la preuve a été faite qu’il est possible de vivre une année très prospère avec du personnel entièrement à distance, fait-il observer. Si votre entreprise a connu une grande productivité dans un environnement entièrement virtuel, vous ne pouvez pas demander aux gens de revenir au bureau pour des raisons de productivité. Il faut plutôt leur dire que vous voulez continuer de créer une culture solide et voir les gens développer des relations entre eux ainsi qu’une appartenance à l’entreprise. »