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Le mentorat en période de pandémie

La plupart des juristes comprennent intuitivement la valeur du mentorat, mais peut-il atteindre ses objectifs dans le contexte du travail à distance?

Des conseils pour un mentorat à distance réussi
iStock

« L’exercice du droit repose sur les relations », dit Conrad Flaczyk, avocat du domaine du savoir et de la veille informationnelle qui exerce dans le cabinet Norton Rose Fulbright Canada. « Bien que nous aimerions croire que nous pouvons établir et maintenir des relations dans la même mesure au moyen d’appels téléphoniques ou de téléconférences, une rencontre face à face, un repas de retrouvailles, voire quelques mots échangés dans le bureau d’un collègue, comportent des éléments tout à fait irremplaçables. »

Alors, que faire maintenant que ce quelque chose d’irremplaçable est hors de portée depuis presque un an?

« C’est une grande question », dit Sheila Archer, avocate militaire à la retraite qui prodigue désormais ses conseils juridiques à la direction générale des services juridiques de la Colombie-Britannique et mentor de longue date. Alors que personne ne sait quand nous pourrons de nouveau interagir en personne, « nous savons qu’un jour nous pourrons de nouveau être ensemble. Nous réintégrerons probablement nos bureaux graduellement, ce qui devrait permettre aux jeunes juristes de s’habituer à l’idée de travailler dans un bureau et de côtoyer de nouveau d’autres personnes que les membres de leur famille. »

Me Archer suggère aux jeunes juristes de prendre l’initiative et de demander aux personnes qui ont travaillé dans un bureau ou ont comparu en personne pendant la pandémie de leur parler des protocoles de sécurité et autres mesures qui demeureront en place à long terme, ainsi que les manières d’exercer avec la plus grande efficacité dans les limites de ces protocoles « plutôt que d’attendre la veille de leur retour au bureau pour se renseigner sur les attentes que l’on peut avoir à leurs égards. Savoir travailler dans les limites des protocoles devrait aider à asseoir la confiance des jeunes juristes au sujet de la comparution devant les tribunaux ou du travail dans les bureaux ».

Un retour en douceur exigera des efforts

Les interactions en personne favorisent la confiance et la compréhension, et humanisent le travail des juristes, dit Me Flaczyk. « Alors que les bureaux vont rouvrir, la recherche active d’occasions de tisser des liens avec les autres au bureau sera importante. Il sera essentiel de faire des efforts plutôt que de se fier au hasard. Se promener quotidiennement dans les couloirs de votre cabinet, prendre vos repas dans la salle à dîner, participer aux activités organisées par le cabinet, sortir avec vos collègues pour un dîner ou un souper, et vous arrêter de temps en temps pour dire bonjour à votre superviseur, particulièrement si vous êtes un étudiant ou un jeune juriste », sont des actions qu’il recommande.

Les jeunes juristes devraient envisager leur retour éventuel au bureau comme « une occasion de reconquérir leur place dans leur communauté », dit MArcher. « Si la pandémie nous a enseigné une chose, c’est bien l’importance de ces simples conversations de l’ère pré-COVID-19 quand nous tissions des liens avec nos collègues tout naturellement. » Les jeunes juristes devront retrouver ces liens avec leurs collègues au bureau, même si le temps est compté « puis, sans tarder, les renforcer à distance où qu’ils soient installés pour travailler ».

Même avec une vaccination généralisée, alors que les cabinets repensent leur fonctionnement, le milieu de travail post-pandémie pourrait bien comporter un plus grand nombre d’arrangements de travail à distance ou plus souples que ceux auxquels les juristes sont généralement habitués. La profession va aussi adopter plus largement la technologie qu’elle ne l’aurait fait si elle n’avait pas eu à composer avec les divers confinements. À cet égard, les jeunes juristes et les personnes qui étudient le droit bénéficient d’un avantage naturel par rapport aux autres.

« Les jeunes juristes ne devraient pas tenir comme acquis que tout le monde sera aussi à l’aise face à la technologie qu’ils ne le sont, fait remarquer MArcher. Cependant, ils peuvent utiliser leurs connaissances et leurs compétences à bon escient en suggérant d’autres options technologiques ou en prodiguant des conseils pour aider les clients et les collègues à se familiariser avec l’utilisation d’autres programmes, y compris les logiciels virtuels. Les jeunes juristes seront sans doute aussi plus à l’aise face à l’utilisation de documents électroniques aux fins des tribunaux, y compris la présentation de preuves documentaires par voie électronique. »

La maîtrise du monde numérique ne remplacera jamais les rencontres en personne, dit Me Flaczyk. Pourtant, il affirme que « la mise en place d’une présence numérique est devenue de plus en plus importante pour la profession juridique, qu’il s’agisse d’une présence active sur les médias sociaux, du développement d’un site Web personnel ou d’une page d’accueil, de la publication régulière d’un bulletin ou d’un blogue et de la mise en place d’une liste d’envoi, de l’animation d’un balado ou d’apports réguliers au moyen d’articles ou de commentaires au sujet de nouveaux enjeux ». Il a affiché une liste de conseils (disponible uniquement en anglais) à l’intention des personnes qui étudient le droit et des jeunes juristes dont la carrière a été interrompue par la pandémie. Parmi ces conseils figure l’acquisition d’expérience dans des fonctions autres que juridiques.

Les bénéfices du mentorat numérique

La nature de sa pratique a donné à Me Archer une considérable expérience en matière de mentorat à distance. Au fil de l’année passée, elle a trouvé que l’utilisation de Zoom est de beaucoup supérieure à une conversation téléphonique. « Alors que c’est toujours mieux de pouvoir se rencontrer en personne au moins une fois pour aider à développer un rapport plus personnel, il est tout à fait possible d’avoir une relation mentor-mentoré digne de ce nom au moyen des seules rencontres virtuelles. »

Du point de vue pratique, Me Archer recommande de se fixer des rappels réguliers. « Le temps file à toute allure et il importe, pour les mentorés et pour les mentors, de se rencontrer suffisamment souvent. Je trouve que l’utilisation de textos pour fixer des réunions, suivis d’invitations électroniques, fonctionne bien. Les courriels peuvent aussi fonctionner, mais il est parfois facile pour une personne très occupée de ne pas répondre, par mégarde, à un courriel de plus qui ne semble pas urgent. »

Elle exhorte en outre les mentorés à effectuer un suivi. Les mentors, même non officiels, sont généralement ravis d’avoir de leurs nouvelles. « Cependant, les mentorés pourraient devoir prendre l’initiative [...] particulièrement s’ils n’ont pas eu de nouvelles de leur mentor depuis un moment. »

Me Archer recommande de penser à des questions à poser avant la rencontre. « Avoir un mentor, c’est comme avoir une assistance professionnelle gratuite. Il n’y a pas de question stupide ou malvenue. Alors posez celles que vous avez. Les mentors essaieront d’anticiper les possibles besoins de leurs mentorés, mais ils ne connaissent pas leurs réelles préoccupations, et ces inquiétudes peuvent évoluer au fil du temps », ajoute-t-elle.

Il importe aussi de ne pas oublier que « l’apprentissage n’est pas linéaire », conseille-t-elle. « L’adage “on ignore ce que l’on ne sait pas” est tout à fait applicable à l’année qui vient de s’écouler puisqu’il est difficile de savoir ce qui a été discuté si vous n’étiez pas présent. » Elle recommande de garder « l’esprit ouvert et de chercher activement à savoir ce que vous auriez pu manquer en cours de route ».

Avertissement : les opinions exprimées par Sheila Archer dans cet article sont les siennes propres et ne représentent pas nécessairement celles de la province de la Colombie-Britannique. Les opinions exprimées par Conrad Flaczyk dans cet article sont les siennes propres et ne représentent pas nécessairement celles du cabinet Norton Rose Fulbright LLP / s.e.n.c.r.l., s.r.l.