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Contrer la discrimination à la frontière

Il faut absolument mettre sur pied une commission d'examen des services frontaliers qui est réellement indépendante et accessible.

Immigration barriers

Passeport? Oui. Rien à déclarer? Non. Réponds honnêtement et tout ira bien.

Peut-être que vous avez déjà tenu ce discours interne avant de traverser la frontière. Pourquoi? Selon le professeur Mark Salter, les frontières doivent être un lieu d'anxiété pour que les passagers respectent les agents des services frontaliers.

Mais que se passe-t-il lorsque votre race, votre sexualité, ou votre religion ne suffisent pas et que vous devenez victime de discrimination de la part d'un agent?

En 2020, alors ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Bill Blair a présenté le projet de loi C-3 pour créer de la transparence au sein de la Gendarmerie royale et l’Agence des services frontaliers di Canada (ASFC) et répondre aux signalements d'abus et de discrimination. Ce projet de loi aurait donné naissance à la Commission des plaintes et des examens du public (CETPP), un organisme indépendant pour l’examen des plaintes. La CEPTT aurait eu pour but de fournir une alternative au formulaire de plainte en ligne des services frontaliers.

Fort heureusement, ce projet de loi a été abandonné au feuilleton lors de la prorogation du Parlement en août 2020. En effet, il aurait été très inefficace pour lutter contre la discrimination.

Premièrement, le projet de loi C-3 n’aurait pas tenu l'ASFC responsable d'inconduite fondée sur la discrimination. Les agents auraient pu utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour déterminer l'intensité d'un examen. Par exemple, ils auraient pu utiliser la force, interroger, arrêter ou forcer les voyageurs à une fouille à nu sans aucune preuve. En 2019, CBC a rapporté que les services frontaliers ont forcé l'artiste autochtone Timothy Hogan à effectuer une fouille à nu et lui avait fait subir des radiographies pour montrer qu'il ne cachait pas de drogue, malgré le fait qu'il n’a jamais eu de démêlés avec la justice. L'ASFC a prétendument dit qu'elle l'avait détenu parce qu'il était un artiste. Le projet de loi C-3 continuerait de permettre aux agents d'exercer leur pouvoir discrétionnaire fondé sur des stéréotypes.

De plus, la CEPTT n’aurait pu entendre de plaintes d'organisations et de sociétés civiles. Le Conseil national des musulmans canadiens a clairement indiqué que l'ASFC s'occupe des personnes vulnérables, dont beaucoup ne connaissent pas le système juridique ou craignent l’expulsion. Refuser d'accepter les plaintes des organisations continue de faire taire les personnes qui ont peur de se dénoncer. Il laisse les populations les plus à risque, comme les minorités visibles dans un état de vulnérabilité permanent.

Mais le projet de loi C-3 aurait donné à la CEPTT un pouvoir sur les décisions de l'ASFC, n'est-ce pas ? Non. Les gens auraient dû d’abord suivre le processus interne de l'ASFC qui existe actuellement. Si la personne n’était pas satisfaite des résultats, elle aurait pu contacter la CEPTT. Une fois que le CEPTT aurait terminé une enquête, il aurait fourni des recommandations à l'ASFC. Cependant, l'ASFC n’avait pas été obligée de suivre les recommandations. Si l'ASFC ne peut pas reconnaître la discrimination au sein de son agence, il est peu probable qu'elle en obtiendra une meilleure compréhension.

Par contre, certains peuvent prétendre que l'ASFC n'a pas besoin d’un organisme indépendant parce que les politiques garantissent un traitement égal. Mais la majorité de ces personnes n’ont pas à se demander si un agent les discriminera. L'idée que l'égalité de traitement existe lorsque les agents sont libres de se fier à leur biais implicite est erronée.

Il est probable que le projet de loi C-3 soit redéposé. Cependant, il faudra apporter des changements pour s'assurer que l’organisme indépendant soit accessible et puisse appliquer la loi.

La CBC a signalé plus tôt cette année que le nombre de plaintes en 2020 a augmenté, malgré la réduction de voyages en raison de la pandémie. De plus, un examen par un tiers du point d'entrée de Cornwall a révélé que le harcèlement contre les femmes, le racisme, l'homophobie et un sentiment général de peur ont créé des conflits au sein du personnel de l'ASFC ainsi que dans ses rapports avec le public.

Aujourd'hui, l'ASFC ne peut plus se cacher derrière un masque de neutralité. La frontière ne peut plus être un état d'exception où la responsabilité, la transparence et les droits de la personne disparaissent. La loi doit reconnaître que les services frontaliers sont là pour protéger la sécurité nationale sans pour autant s'appuyer sur des préjugés et des stéréotypes implicites basées sur la race ou le sexe.