Partage de connaissances sur la pratique juridique tenant compte des traumatismes
Des juristes de l’ABC se rendent en Mongolie et repartent inspirés par les efforts visant à créer un système juridique juste et équitable pour les personnes les plus vulnérables
Lorsque nous avons été invités à nous rendre en Mongolie pour présenter un exposé sur la représentation juridique tenant compte des traumatismes, nous avons dû, pour être honnêtes, faire quelques lectures afin de mieux comprendre l’histoire et la culture du pays hôte.
Enclavée entre la Russie et la Chine, la Mongolie est un pays magnifique et accidenté, doté de montagnes imposantes et du vaste désert de Gobi.
D’aucuns parmi nous ne savaient à quoi s’attendre de la capitale, la ville d’Oulan-Bator. Mais après plus de 24 heures de voyage, nous avons été accueillis avec une sincère reconnaissance pour avoir parcouru tout ce chemin depuis le Canada afin de représenter l’Association du Barreau canadien à la 13e Asia Pro Bono Conference et à la Access to Justice Exchange. Ces deux événements, tenus simultanément en octobre, ont réuni plus de 300 juristes, universitaires et représentants de la société civile provenant de 27 pays et territoires.
Lors de la cérémonie d’ouverture, nous avons assisté à des prestations d’artistes de renommée mondiale : chanteurs d’opéra, danseurs et musiciens jouant des instruments traditionnels mongols, notamment la vièle à tête de cheval (morin khuur). Le gala s’est tenu dans un camp de yourtes, en bordure du parc national de Gorkhi-Terelj, et offrait un éventail impressionnant de divertissements, dont un chant de gorge envoûtant, une démonstration de contorsion et d’excellentes prestations de musique contemporaine.
La conférence comptait de nombreuses séances d’échange de connaissances et offrait un aperçu unique des divers obstacles à l’accès à la justice rencontrés dans les territoires asiatiques. Nous avons appris qu’en Mongolie, le manque d’accès à Internet constitue l’un des principaux obstacles à l’accès à la justice, en raison de la grande population nomade.
Une participante du Laos a décrit les barrières culturelles auxquelles elle a été confrontée, racontant qu’on lui avait refusé l’entrée d’une salle d’audience parce qu’elle ne portait pas de « vêtements féminins ». Ses collègues ont raconté avec fierté comment elle avait forcé le passage pour y entrer et comment elle est devenue depuis une figure de proue de la communauté pro bono florissante de son pays. Ensemble, ils ont réussi à faire adopter une exigence de service pro bono obligatoire chaque année comme condition de renouvellement du permis d’exercice au Laos.
Nous avons animé notre propre atelier devant un auditoire composé de juristes, de juges et d’administrateurs publics. Notre présentation portait sur la neuroscience du traumatisme et sur les façons dont un traumatisme, s’il n’est pas abordé de manière systémique dans le système judiciaire, peut devenir un obstacle en soi à l’accès à la justice.
Nous avons décrit comment un traumatisme complexe peut physiquement modifier le cerveau et affaiblir la qualité des témoignages dans les procédures contradictoires. Nous avons partagé nos conseils issus de 55 années d’expérience combinée dans les domaines du droit des réfugiés et de la lutte contre la violence, représentant des clients et des clientes dont les symptômes de traumatisme (p. ex. : pertes de mémoire, difficulté à se concentrer, manque d’expression ou de détails, affect neutre) mènent trop souvent à des conclusions de non-crédibilité dans les procédures contradictoires.
Nous avons également abordé les divers types de mesures d’adaptation qui peuvent être demandées, ainsi que les moyens de favoriser des témoignages plus efficaces dans les dossiers impliquant un traumatisme.
Enfin, nous avons discuté de la manière de promouvoir des évaluations de crédibilité nuancées, scientifiques et humaines dans l’ensemble du secteur de la justice — un projet qui nous passionne tous les deux.
Notre séance invitait les participantes et participants à travailler sur plusieurs scénarios inspirés de cas réels, dans un forum ouvert de type Nations unies, mené en plusieurs langues avec interprétation simultanée. À cet égard, nous remercions l’Organisation internationale de droit du développement, partenaire commanditaire de cet événement.
Les participantes et participants nous ont impressionnés par leur compréhension des concepts clés, et nous avons été ravis d’être approchés par de nombreuses personnes après la séance, souhaitant discuter des défis propres à leurs territoires qui pourraient freiner la mise en œuvre de pratiques tenant compte des traumatismes.
Nous avons passé notre dernière journée en Mongolie à la l’Association du Barreau mongol, aux côtés de délégués provenant d’autres territoires. Nous avons échangé sur les moyens d’encourager les juristes à offrir des services pro bono. Cela comprenait une rencontre individuelle avec le président de l’Association du Barreau, qui a demandé des nouvelles des efforts de l’ABC visant à renforcer la collaboration entre les juristes du secteur privé et ceux du secteur public, ainsi que les juges.
Notre semaine en Mongolie restera gravée dans nos mémoires. Nous sommes repartis inspirés par des personnes venues de pays qui aspirent, tout comme nous, à un système juridique juste et équitable, notamment pour les plus vulnérables.