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Gardez-vous d’être négligent

Conseils pratiques pour la prévention de litiges

Upset client
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Nul avocat n’est à l’abri des allégations de négligence. Pour les praticiens du droit des successions et des fiducies, cela va du défaut de s’être assuré de l’exactitude d’un testament à l’omission de confirmer que le testateur était apte à tester ou n’avait pas subi d’influence indue au moment de faire connaître ses volontés. Cet article donne un aperçu de l’état du droit en matière de négligence de l’avocat, avec une attention particulière aux moyens de prévenir les recours pour négligence en droit successoral ou fiduciaire.

Pilotte v. Gilbert, Wright & Kirby, Barristers & Solicitors établit le critère actuel pour la question de déterminer si un avocat a commis une négligence. Dans cette affaire, la Cour a conclu que pour qu’un avocat puisse être déclaré coupable de négligence, il faut démontrer qu’il y a eu de la part de celui-ci [traduction] « une erreur ou une ignorance telles qu’un avocat normalement compétent n’aurait pas commis une pareille faute » (paragraphe 34).

Trois éléments doivent être établis pour prouver la négligence du juriste :

  1. Le principe de responsabilité lié à la négligence (l’obligation de diligence). La responsabilité de l’avocat est concomitante en matière contractuelle, en matière délictuelle et en equity;
  2. La question de savoir si l’avocat a satisfait à la norme de diligence. Il ne s’agit pas d’être parfait, mais d’avoir agi comme un « avocat d’une compétence raisonnable »;
  3. La question de savoir si le demandeur a prouvé que la faute de l’avocat a causé au client une perte pouvant constituer un préjudice.

En ce qui concerne le principe de responsabilité et la norme de diligence, il est établi que l’avocat rédacteur a une obligation de diligence non seulement envers son client (le testateur), mais aussi envers les héritiers.

Pour déterminer si une erreur de jugement ou une méconnaissance du droit sort de la sphère normale des compétences d’un avocat, le juge Riley a établi dans Millican v. Tiffin Holdings Ltd. (décision confirmée par la Cour suprême du Canada en 1967) les obligations suivantes de l’avocat :

[Traduction]

  1. Faire preuve de compétence et de diligence;
  2. Conseiller le client sur toutes les questions pertinentes au mandat de représentation en justice dans la mesure de ce qui est raisonnable et nécessaire;
  3. Protéger les intérêts du client.

La notion de causalité est essentielle à l’analyse de toute allégation de négligence. Plus précisément, le critère général de causalité correspond au critère du « facteur déterminant », que le demandeur doit prouver par prépondérance des probabilités. Ce dernier est tenu de démontrer que le préjudice n’aurait pas eu lieu « n’eût été » la négligence de l’avocat. Dans une action pour négligence de l’avocat en droit successoral, il doit démontrer, par exemple, que le testateur, s’il avait été adéquatement conseillé, aurait agi différemment et que cela aurait prévenu le préjudice subi par les bénéficiaires.

Être au fait de votre obligation envers votre client et les héritiers constitue la première défense contre le risque d’être accusé de négligence. La liste qui suit contient des pratiques exemplaires qui vous aideront à cet effet :

Communiquez avec vos clients et tenez-les informés de leurs options et obligations juridiques :

  • Informez-les régulièrement, même s’il n’y a rien de nouveau;
  • Ne vous contentez pas des courriels; appelez-les ou rencontrez-les pour discuter des questions complexes ou les examiner;
  • Ne leur donnez pas de fausses attentes; présentez-leur une évaluation réaliste des risques ou des coûts à prévoir;
  • Convenez d’un mandat de représentation clairement établi, dans lequel sera précisé ce que vous ferez (et ne ferez pas).

Conservez une connaissance solide et actuelle de votre domaine du droit :

  • Soyez au fait des lois applicables;
  • Connaissez suffisamment les domaines de droit connexes pour repérer les problèmes et aiguiller le client vers un expert pouvant le conseiller (ex. : droit fiscal);
  • Faites attention à qui vous déléguez les tâches et supervisez bien le travail, car le client compte sur votre expertise;
  • Soyez prudent quand on vous confie des dossiers sortant de votre champ de pratique habituel, et n’hésitez pas à demander de l’aide ou à orienter les clients vers un spécialiste au besoin.

Analysez la situation et les besoins du client :

  • Comprenez bien votre client – quels sont ses besoins, ses préoccupations et les résultats souhaités? Quelles sont les questions juridiques à régler?
  • Prenez le temps d’enquêter à fond sur les tenants et aboutissants de l’affaire – informez-vous et documentez-vous auprès du client;
  • Demandez et obtenez des documents pertinents (ex. : la recherche de titres);
  • L’étape de l’analyse varie d’un domaine de droit à l’autre – faites-vous une liste de contrôle si c’est possible.

Consignez chaque étape du dossier :

  • Tenez des dossiers détaillés et à jour;
  • Confirmez par écrit les instructions du client, qui pourra ainsi vous signaler tout malentendu;
  • Soyez clair dans vos communications avec l’avocat adverse et les tiers.

Ce ne sont là que quelques obligations à garder à l’esprit si vous souhaitez que votre pratique soit et reste efficace pour vous et votre client.

N.B. Le présent article a paru initialement dans la Section des testaments, successions et fiducies du site Web de l’ABO. Il est reproduit avec l’autorisation de l’auteure. Il a fait l’objet d’une légère révision pour le style et la longueur.