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Bouleversement créatif

À quoi ressemblera le secteur juridique après la pandémie de 2020?

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Lorsque la pandémie nous a frappés, nous ne savions pas trop comment les cabinets juridiques affronteraient la tempête. Finalement, tout le monde s’est serré les coudes pour trouver le moyen d’avancer. Les audiences virtuelles sont devenues une nécessité; les tribunaux ont assermenté des jurys par vidéoconférence; les étudiants et étudiantes en droit ont eu leur collation des grades à distance; les juristes rencontrent leurs clients sur Skype ou Zoom, après leur avoir fait signer, à distance, un mandat de représentation en justice.

Si vous m’aviez demandé en janvier 2020 si l’une ou l’autre de ces choses se produirait pendant ma carrière, je vous aurais ri au nez.

C’est formidable de voir tout le chemin parcouru par la profession juridique, mais il ne faut pas qu’elle se repose sur ses lauriers. Il reste tant à faire. En effet, la pandémie a changé les attentes, surtout celles des clients, qui s’habituent à recevoir des services virtuels. Voilà pourquoi, selon le rapport sur les tendances dans le secteur juridique 2020 de Clio (disponible en anglais seulement) publié en octobre, la plupart des avocats prévoient continuer à recourir à la technologie lorsque la pandémie sera derrière nous.

Selon ce rapport, plus de 9 juristes sur 10 envisagent de stocker les données de leur cabinet dans le nuage, d’utiliser des documents et signatures électroniques, d’accepter des paiements électroniques, et d’employer des logiciels de gestion de cabinet. Et 83 % utilisent des plateformes en ligne pour les rencontres avec les clients.

Cela est encourageant, mais en vérité, les avocats ont encore énormément de difficulté à utiliser la technologie, ce dont j’ai pris conscience à la conférence en ligne de Clio en octobre, à laquelle participaient à peu près 4 500 avocats. Les équipes responsables du volet virtuel ont reçu une avalanche de commentaires d’avocats qui ne voyaient pas les vidéos ou n’avaient pas de son. D’autres, trahissant leur connaissance superficielle des outils en ligne, ont demandé s’il était possible de simplement mettre les vidéos sur YouTube. Bien sûr, aucune de ces personnes n’a envisagé que c’était elle, le problème, préférant jeter le blâme sur les responsables de la conférence.

Pour ces juristes, le réveil risque d’être brutal lorsqu’on sortira de cette crise, qui n’a fait qu’accélérer le passage aux services juridiques numériques.

Le marché privilégiera les juristes qui se sont tournés vers la technologie au détriment des autres. Selon le rapport 2020 de Clio, les cabinets qui recouraient déjà aux paiements électroniques, à un portail client et à un système d’admission en ligne avant la pandémie sont mieux à même de générer de nouvelles activités et des revenus. Aux États-Unis, les cabinets qui optent pour le paiement électronique touchent plus de 15 000 $ de plus par juriste.

Et parlant de paiement, il semble aussi y avoir des débouchés pour les cabinets qui offrent des plans de remboursement à leur clientèle.

Dans la dernière décennie, le tarif horaire des juristes n’a pas beaucoup augmenté. Il y a 10 ans, le tarif moyen était de 200 $ de l’heure. Aujourd’hui, il tourne autour de 275 $. La seule façon pour un cabinet d’augmenter ses recettes, c’est d’accroître le nombre d’heures facturables (et d’en obtenir le paiement). Mais les tarifs demeurent suffisamment élevés pour dissuader beaucoup de clients potentiels de retenir les services d’un juriste, surtout quand il y a un manque de transparence flagrant dans la tarification et une incertitude budgétaire en amont.

L’une des révélations les plus intéressantes du rapport de Clio est que 72 % des personnes aux prises avec un problème juridique ont indiqué leur préférence pour un plan de paiement par versements, mais que seulement 53 % des cabinets en offrent un. À l’époque où je gérais un cabinet, je me faisais souvent demander par les juristes si nous pouvions l’envisager. Le refus de certains cabinets d’adopter cette solution est déconcertant, car comme l’indique le rapport de Clio, flexibiliser la méthode de paiement est une façon de « libérer l’énorme potentiel du marché » et d’aider d’éventuels clients à régler leurs problèmes juridiques.

Plutôt que de penser à accroître leur nombre d’heures de travail, les juristes doivent trouver comment mieux servir leurs clients au moyen de la technologie. Ce faisant, ils auront de meilleurs résultats, ce qui leur apportera plus de clients. Et plus de clients veut dire plus d’heures facturables.

Certes, les plans de versements comportent des risques. Si un cabinet facture 3 000 $ en frais de service payables en versements égaux de 500 $, il lui faudra la moitié d’une année pour recouvrer son dû. Le client pourrait s’évaporer dans la nature, ou le prélèvement sur sa carte de crédit être refusé. Personne ne veut faire la chasse aux clients ni les poursuivre à la cour des petites créances. Et que faire si le client quitte le pays?

Malgré tout, le monde change et les juristes devront s’habituer à prendre plus de risques. Ceux qui réussiront à s’adapter rapidement au nouveau marché prospéreront; les autres échoueront.