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En mode survie

Conseils pour les petits cabinets et les juristes exerçant seuls pendant la pandémie.

Tightrope walker
iStock

À la suite du ralentissement économique due à la pandémie de COVID-19, les petits cabinets juridiques et les juristes exerçant seuls ressentent la pression causée par la fermeture des tribunaux et l’incertitude face à la perception de revenus.

Mark A. Cohen, chef de la direction de Legal Mosaic, un cabinet de consultants spécialisés pour les entreprises juridiques, dit qu’il n’existe aucune panacée pour la crise financière causée par la pandémie. 

« Les juristes exerçant seuls et les personnes qui travaillent dans de petits cabinets doivent axer leur attention sur deux choses », dit-il. « La première est la survie et la seconde est de savoir s’ils peuvent se faire payer pour le travail accompli, tant par les clients potentiels que par les clients leur devant des honoraires étant donné qu’un grand nombre d’entre eux font faillite. »

Caryma Sa'd, avocate exerçant seule à Toronto spécialisée dans les litiges entre propriétaires et locataires et en droit pénal, dit que la fermeture de la Commission de la location immobilière et l’ajournement des audiences ont eu de considérables répercussions sur sa capacité à travailler.

« La principale préoccupation pour les avocats et les avocates est que nous allons continuer à recevoir des factures. Un grand nombre d’entre nous ont pour le moins certains frais généraux alors que les fonds produits par nos clients ont disparu pour cause d’interruption ou d’ajournement du travail sur leurs dossiers », dit-elle.

Et d’ajouter : « Chaque dollar compte de nos jours ». Me Sa'd a rédigé une pétition, qui a recueilli plus de 3 000 signatures, pour demander que le paiement des frais d’octroi de permis dus au Barreau de l’Ontario soit suspendu. Ce dernier a répondu en prorogeant la date limite pour leur versement. 

« Je suis heureuse que nos préoccupations aient été entendues », dit-elle. « Toutefois, il reste des problèmes encore plus importants. »

« C’est du jamais vu, alors nous essayons tous de trouver une solution en même temps. »

Les suivants figurent parmi les conseils destinés aux petits cabinets pendant la pandémie. 

1. La santé d’abord

Maître S'ad a fermé son cabinet à la mi-mars; mesure qu’elle décrit comme « faire preuve de responsabilité »

« J’ai cessé de rencontrer les clients en personne », dit-elle. « Nous le faisons désormais par téléconférence ou par vidéoconférence afin de veiller à la santé de tout un chacun. »

La restriction du nombre de rencontres en personne peut aussi aider les cabinets juridiques à s’assurer qu’ils s’acquittent de leurs obligations quant à la sécurité du milieu de travail et à la protection de leur personnel. 

« Profitez de cette occasion pour communiquer à distance avec les gens », conseille Me Cohen. 

Outre la protection de votre santé personnelle et de celle de vos clients, cela peut économiser du temps pour tous, ajoute-t-il.

Maître S'ad recommande également aux avocats et aux avocates de prendre soin de leur santé mentale. 

« Nous recevons beaucoup de mauvaises nouvelles. Cela peut faire des ravages », dit-elle.

2. Réduisez vos frais généraux

Mark Cohen recommande aux juristes de profiter de cette occasion pour examiner leurs frais généraux et restructurer leur entreprise pour qu’elle fonctionne de manière plus efficiente financièrement.

« Demandez-vous si vous avez réellement besoin d’un bureau à temps plein ou si vous pouvez travailler chez vous en fonction des besoins ou partager un bureau », dit-il.

3. La Subvention salariale d’urgence du Canada 

Pour être admissibles à une subvention de 75 % des salaires des employés (sous réserve d’un plafond annuel de 58 700 $), les employeurs doivent démontrer un déclin de leur revenu brut d’au moins 15 % en mars et 30 % en avril et mai par rapport au revenu des mêmes mois de 2019. 

Bien que les petits cabinets soient clairement admissibles, ils doivent comprendre que les exigences comptables pourraient présenter de nombreux défis pour les petites entreprises, dit Bruce Ball, vice-président, Fiscalité, Comptables professionnels agréés du Canada. « Elles sont tellement occupées à simplement essayer de traiter avec leurs clients et de résoudre leurs problèmes commerciaux que je me dis que la comptabilité est probablement le cadet de leurs soucis en ce moment », dit-il.

Il a souligné que de nombreuses petites, et même moyennes, entreprises qui n’ont pas de comptabilité officielle à la fin de chaque mois pourraient avoir des difficultés à déterminer le moment où le revenu a été généré en 2019 pour pouvoir effectuer les comparaisons avec 2020. « Elles ne savaient pas l’an dernier qu’elles pourraient avoir été tenues d’avoir des données mensuelles exactes. »

Les cabinets doivent également prendre des décisions mûrement réfléchies concernant la facturation étant donné que des questions concernant les pertes et les honoraires non facturés demeurent en suspens. « Certains de ces cabinets vont facturer et ne pas avoir droit à la subvention. Ils seront traités plus sévèrement qu’une société qui n’essaie pas de facturer du tout car elle sait que son client n’est pas en mesure de payer », dit M. Ball.

Puisqu’il pourrait falloir de six à huit semaines pour recevoir la Subvention salariale d’urgence du Canada, M. Ball encourage les petits cabinets à présenter une demande au programme de subvention salariale au taux de 10 % pour obtenir immédiatement une aide modeste.

4. Parlez à vos clients

La COVID-19 cause « une incertitude considérable » pour les clients, dit Me S'ad. « Je réponds à un grand nombre d’appels et de questions de clients inquiets auxquels je n’ai pas déjà nécessairement toutes les réponses. » 

Selon Me Cohen, la pandémie va avoir des incidences personnelles et économiques sur un grand nombre de clients.

« Parce que ces clients sont stressés, c’est maintenant que vous seriez bien avisé de communiquer avec eux pour prendre de leurs nouvelles et leur demander si vous pouvez les aider », dit-il.

« Les clients s’en souviendront pendant longtemps », dit-il. « Lorsque les choses s’arrangeront pour eux, en espérant que ce soit le cas, ils se souviendront de l’avocat qui les avait appelés. »

5. Élargissez vos compétences à d’autres domaines

Maître Cohen s’attend à une recrudescence des demandes dans certains domaines du droit après la fin de la pandémie. 

« L’on s’attend pour sûr à ce que le contentieux soit un domaine très actif. Le droit de l’emploi sera également un domaine où l’on constatera une croissance importante », dit-il. « Si vous ne connaissez pas bien ces branches du droit, c’est peut-être le moment rêvé pour suivre des cours en ligne. »

Le droit de la famille, la perception des créances, les forclusions et les évictions, ainsi que les testaments et successions pourraient se retrouver en plein essor.

6. Passez du temps sur les médias sociaux

Puisque les possibilités de réseauter en personne ont disparu, Me Cohen dit que les juristes devraient envisager d’avoir davantage recours aux médias sociaux.

« Pouvez-vous apporter quelque chose au public ou au discours qui pourrait intéresser les gens? », demande-t-il. « Les médias sociaux sont un outil très puissant si vous les utilisez judicieusement et efficacement. » 

7. C’est l’occasion de réfléchir à l’avenir de votre cabinet

« S’il vous reste un peu de temps, vous pourriez en profiter pour considérer votre cabinet sans complaisance », dit Me Cohen. 

Il vous recommande de vous poser les questions suivantes : « Quel est le domaine dans lequel j’exerce pour le moment? Parmi les tâches que j’accomplis, quelles sont celles qui me plaisent vraiment et auxquelles j’excelle? Quelles sont les choses que je n’aime pas faire ou que je ne souhaite pas particulièrement faire, soit par manque d’intérêt, soit pour des raisons financières? Comment puis-je me repositionner? »

Maître Sa'd pense aussi que les juristes devraient tourner leur regard vers l’avenir. 

« Quand tout cela sera terminé, nous devrons composer avec tout un tas de nouvelles questions juridiques », dit-elle. « Il y a une lumière au bout du tunnel. Il suffit de survivre jusque-là. »