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S’attaquer tôt à la crise de la santé mentale en droit

Les facultés de droit doivent aider les jeunes juristes à acquérir les compétences nécessaires à une carrière enrichissante et à une vie équilibrée.

Mental health concept

Alors que des témoignages non scientifiques suggèrent depuis longtemps que de nombreux étudiants et étudiantes en droit sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, les données empiriques sur le sujet sont rares au Canada. Voici maintenant que la première étude nationale sur le bien-être dans la profession juridique nous éclaire sur l’état désastreux du bien-être dans la profession juridique, notamment parmi les 264 stagiaires qui ont participé à la recherche.

Selon l’étude menée par une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke, avec le soutien financier de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et de l’Association du Barreau canadien, 49,8 % des nouveaux professionnels juridiques ont déclaré avoir développé des problèmes de santé mentale depuis le début de leur pratique.

Selon le rapport, les lieux de travail juridiques et, par extension, les programmes de droit constituent des facteurs de risque. Par exemple, 72 % des stagiaires éprouvent de la détresse psychologique. Plus de 43 % des stagiaires signalent des symptômes modérés de dépression, et près de la moitié signalent des symptômes modérés d’anxiété. Des proportions similaires déclarent éprouver des symptômes graves de dépression (43,3 %) ou d’anxiété (43,6 %).

Plus de la moitié des participants (56,2 %) ont déclaré éprouver de la fatigue de compassion, et un nombre encore plus élevé chez les stagiaires et les jeunes juristes (66,5 %). Quant aux taux d’épuisement professionnel, déjà inquiétant à 47,3 %, il est franchement alarmant à 69,8 % chez les professionnels du droit qui vivent avec un handicap et ceux qui travaillent au Nunavut (81,2 %).

Recommandations

L’étude propose une liste complète de recommandations pour améliorer la santé mentale et le bien-être dans la profession. Deux d’entre elles portent spécifiquement sur l’engagement et la formation des étudiants.

La première, qui figure en tête de la liste, vise à améliorer la préparation des futurs professionnels du droit et à leur fournir les compétences nécessaires pour faire face aux problèmes de santé psychologique. Elle préconise un équilibre entre théorie et pratique, un enseignement des problèmes de santé mentale, une meilleure compréhension de l’intelligence émotionnelle et l’instauration de cours crédités obligatoires.

La recommandation no 7 appelle à la promotion de la diversité dans la profession et à la révision des pratiques, politiques et procédures susceptibles de créer ou d’entretenir des biais discriminatoires. Elle encourage la participation des étudiants aux congrès annuels, aux activités des facultés de droit et aux concours de plaidoirie afin de les sensibiliser davantage aux questions de santé mentale.

Un exemple à suivre

Depuis sa fondation en 2020, la Faculté de droit Lincoln Alexander donne accès à l’ensemble des ressources destinées aux étudiants en matière de santé mentale et de bien-être de l’Université métropolitaine de Toronto.

Au cours des deux premières années d’activité de la Faculté, pour compenser les effets négatifs de la pandémie et de l’enseignement à distance, les étudiants et étudiantes se sont vus offrir un accès gratuit aux services de counseling et de soutien par les pairs du programme d’aide aux membres du Barreau de l’Ontario, du programme Wellness Edge de l’ABO (en anglais seulement) et du Sous-comité ABC Bien-être. Ils avaient également accès à des services communautaires d’assistance téléphonique disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme ceux des centres d’aide et d’écoute du Grand Toronto (en anglais seulement), d’Allo J’écoute et du programme de soutien aux étudiants Mon PSE.

Salima Fakirani, la directrice de la vie étudiante, affirme que le parcours scolaire en droit est stressant pour de nombreuses personnes. « Nous travaillons dur comme établissement pour concevoir des programmes réfléchis qui incluent des étudiants d’horizons différents, dit-elle. Nos étudiants doivent sentir qu’ils ont leur place ici, tant à la faculté de droit que dans le milieu juridique, et qu’ils sont considérés comme des personnes entières. »

« Des services solides permettent aux étudiants de développer les compétences extrascolaires essentielles dont ils auront besoin pour s’épanouir pendant et après leurs trois années d’études en droit, déclare pour sa part Pratik Nair, directeur des services de santé et de réussite scolaire. Par exemple, la résilience – non pas simplement la capacité d’affronter les obstacles tout en gardant le sourire, mais celle de trouver les ressources qui favoriseront sa santé physique et mentale. » Il ajoute que la Lincoln Alexander School of Law s’efforce d’intégrer dans son programme d’études l’apprentissage de compétences fondamentales extrascolaires qui favorisent la santé mentale des étudiants et des futurs juristes.

Les recommandations de l’étude donnent des raisons d’être optimiste pour l’avenir, ajoute M. Nair. « Mais elles privilégient des mesures réactives aux difficultés de santé mentale plutôt qu’un changement structurel à long terme. » Ces mesures comprennent l’accès aux ressources, le respect de la vie privée et de la confidentialité et la déstigmatisation du fait de se dévoiler. « De nombreux progrès ont été réalisés ces 20 dernières années pour améliorer notre capacité collective à répondre aux problèmes de santé mentale. » M. Nair souligne que les recommandations nos 7, 9 et 10 sont particulièrement convaincantes, car elles demandent aux organisations de consacrer des ressources à la modification des environnements dans lesquels les étudiants apprennent et les juristes travaillent. « Ce domaine de changement présente une occasion d’innovation, d’essais et de mise à l’échelle pour améliorer les résultats en matière de santé mentale à l’échelle de la population. »

Les données de l’étude sont utiles à la discussion, croit Mme Fakirani. « Dans un cadre scolaire, la mise en œuvre de ces recommandations nécessite un questionnement cohérent et réfléchi sur les pratiques et les normes établies. » Elle affirme que cela nécessitera un changement sans précédent et devra viser le cœur des systèmes et des valeurs qui ont été historiquement omniprésents dans l’industrie.